FrançoisSaint-Bonnet, lui, estime que l'Ă©tat d'urgence n'est pas adaptĂ© par sa nature mĂȘme : un Ă©tat d'exception, et donc temporaire. « Or, la situation actuelle s'inscrit hĂ©las dans la La santĂ© est souvent un sujet tabou en entreprise, lieu de compĂ©titivitĂ© et de performance. Il peut ĂȘtre dĂ©licat et osĂ© de baisser la garde et s’épancher sur son Ă©tat de santĂ©. La pĂ©riode que nous traversons peut s’avĂ©rer d’autant plus compliquĂ©e pour les personnes qui ont une santĂ© fragile. Pourtant, mettre son entreprise dans la confidence peut aussi dĂ©boucher sur de meilleures conditions de travail et un accompagnement psychologiquement non nĂ©gligeable. Alors, comment communiquer sur sa situation mĂ©dicale lorsque cela devient une nĂ©cessitĂ© ? Doit-on forcĂ©ment informer notre entreprise si nous sommes une personne Ă  risque pour le Covid-19 ? Est-il bienvenu de tout dire ?Welcome to the Jungle fait le point sur les lois qui encadrent notre santĂ© au travail et vous conseille sur ce qu’il peut ĂȘtre prĂ©fĂ©rable de communiquer ou non Ă  votre dit la loi ?À l’embaucheLe salariĂ© n’a aucune obligation de dire Ă  son futur employeur qu’il est malade. Lors d’un entretien d’embauche, le Code du travail Ă©tablit qu’aucun salariĂ© ne peut ĂȘtre sanctionnĂ©, licenciĂ©, ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, pour avoir refusĂ© de rĂ©pondre Ă  une question sur son Ă©tat de santĂ© ou son handicap. L’employeur peut demander un certificat ou un examen afin de savoir si le salariĂ© est apte ou non au poste auquel il aspire mais il n’aura accĂšs Ă  aucun autre dĂ©tail en raison du secret l’entrĂ©e en vigueur le 1er janvier 2017 de la Loi Travail, dite loi El Khomri », la traditionnelle visite mĂ©dicale est remplacĂ©e par la VIP Visite d’Information et de PrĂ©vention, sauf cas a vocation Ă  interroger le salariĂ© sur son Ă©tat de santĂ©, l’informer des risques Ă©ventuels auxquels l’expose son poste de travail, sensibiliser le salariĂ© sur les moyens de prĂ©vention de ces risques Ă  mettre en Ɠuvre, identifier si l’état de santĂ© du salariĂ© ou les risques auxquels il est exposĂ© nĂ©cessitent une orientation vers le mĂ©decin du travail, informer le salariĂ© sur les modalitĂ©s de suivi de son Ă©tat de santĂ© par le service et sur la possibilitĂ© dont il dispose, Ă  tout moment, de bĂ©nĂ©ficier d’une visite Ă  sa demande avec le mĂ©decin du travail. Le rĂŽle de ce dernier est prĂ©ventif, son but est d’éviter toute altĂ©ration de la santĂ© des travailleurs du fait de leur travail. Pour pallier la pĂ©nurie des mĂ©decins du travail, la VIP est rĂ©alisĂ©e par un professionnel de santĂ©, Ă©galement tenu au secret professionnel interne en mĂ©decine ou infirmier par exemple, sous l’autoritĂ© du mĂ©decin du travail. Elle doit avoir lieu avant la fin de la pĂ©riode d’essai, soit dans les trois mois suivants la prise de poste, et le dĂ©lai entre deux rendez-vous ne doit pas excĂ©der cinq cas du salariĂ© en posteComme pour l’entretien d’embauche, le salariĂ© n’a aucune obligation de communiquer Ă  son employeur son Ă©tat de santĂ© lors d’un entretien d’ en fonction des consĂ©quences que peuvent avoir certaines maladies, le mĂ©decin du travail peut dĂ©clarer le salariĂ© inapte au travail dĂšs le premier rendez-vous mĂ©dical. Le mĂ©decin du travail doit alors obligatoirement Ă©changer avec l’employeur et le salariĂ© sur les possibilitĂ©s d’amĂ©nagement ou d’adaptation de poste, rĂ©aliser une Ă©tude du poste du salariĂ© et de ses conditions de travail. Quelle que soit l’origine de l’inaptitude, l’employeur a l’obligation de proposer un reclassement au salariĂ© dĂ©clarĂ© inapte, sauf si, le mĂ©decin du travail estime que tout maintien du salariĂ© dans un emploi serait gravement prĂ©judiciable Ă  sa santĂ© » ou que l’état de santĂ© du salariĂ© fait obstacle Ă  tout reclassement dans un emploi ». Dans ce cas, le mĂ©decin dispense l’employeur d’une recherche de reclassement. Si aucun reclassement n’est possible, une procĂ©dure de licenciement pourra ĂȘtre engagĂ©e. En cas de contestation, la saisine appel ou recours, ndlr du conseil de prud’hommes est ouverte pour un dĂ©lai de quinze jours Ă  compter de la notification de la spĂ©cificitĂ©s liĂ©es au coronavirusEn cette pĂ©riode de crise sanitaire, si vous ĂȘtes une personne vulnĂ©rable antĂ©cĂ©dents cardiovasculaires, diabĂ©te, insuffisance rĂ©nale, etc., rien ne vous oblige Ă  prĂ©venir votre entreprise. En revanche, pour protĂ©ger votre santĂ©, mieux vaut avertir votre employeur pour que celui-ci vous autorise le tĂ©lĂ©travail. Si la nature de votre mĂ©tier ne vous le permet pas, alors votre entreprise pourra vous mettre au chĂŽmage partiel ou au chĂŽmage technique sur prĂ©sentation d’un certificat d’isolement fourni par un mĂ©decin un document qui vous autorise Ă  rester chez vous et Ă  ne pas vous rendre au travail, ndlr. Si vous n’ĂȘtes pas une personne vulnĂ©rable face au Covid-19 mais que vous avez Ă©tĂ© un cas contact en contact rapprochĂ©, sans masque, avec une personne testĂ©e positive au Covid-19, vous avez l’obligation de prĂ©venir votre entreprise. Le salariĂ© a aussi une obligation de sĂ©curitĂ© envers lui mais aussi les autres, si celle-ci n’est pas respectĂ©e, cela pourrait faire l’objet d’une faute. Dans les faits, il serait difficile pour l’entreprise de prouver que vous avez cachĂ© des informations sur votre Ă©tat de santĂ©, il y a donc peu de risque d’ĂȘtre sanctionnĂ©. Une fois votre entreprise avertie, vous devrez poursuivre en tĂ©lĂ©travail ou bien vous faire prescrire un arrĂȘt de travail. Idem si vous prĂ©sentez les symptĂŽmes du coronavirus ou si vous avez Ă©tĂ© testĂ© positif avec ou sans symptĂŽmes vous ne devez pas non plus vous rendre sur votre lieu de travail. Un arrĂȘt de travail sera lĂ  aussi nĂ©cessaire. Une transparence parfois difficileQuel que soit le problĂšme de santĂ© que vous rencontrez, nous ne pouvons que vous conseiller d’ĂȘtre transparent avec votre employeur, c’est inĂ©vitable si vous souhaitez que celui-ci amĂšnage votre poste de travail et s’adapte Ă  vous. En revanche, si vous souffrez d’une maladie chronique ou d’un handicap et que vous ne souhaitez pas en informer votre entreprise, rien ne vous oblige Ă  le faire ! Parler de son Ă©tat de santĂ© peut ĂȘtre dĂ©licat et intime, il est tout Ă  fait comprĂ©hensible et tout Ă  fait lĂ©gitime que vous souhaitiez garder ces informations pour vous. Car, malheureusement, la bienveillance n’est pas innĂ©e chez tout le monde et certains managers et DRH peuvent encore avoir du mal Ă  accompagner des profils comme le vĂŽtre
Pour d’autres maladies Ă  court ou moyen terme, nous vous recommandons tout de mĂȘme d’ĂȘtre transparent avec votre entreprise, si besoin en toute confidentialitĂ©. Il en va de la santĂ© de vos collĂšgues et de leurs proches. Ne prenez pas de risque !Suivez Welcome to the Jungle sur Facebook, LinkedIn et Instagram ou abonnez-vous Ă  notre newsletter pour recevoir, chaque jour, nos derniers articles !Photo by WTTJ
ContrairementĂ  ce qui semble l’évidence, que l’Etat assure la sĂ©curitĂ© et protĂšge les citoyens, la question retourne l’évidence comme un gant en suggĂ©rant deux choses :
LE GRAND ANGLE DIPLO - Cette semaine, une dizaine d’ONG françaises et Ă©trangĂšres ont exigĂ© du gouvernement qu’il cesse toute livraison d’armes Ă  l’Arabie saoudite ou aux Emirats arabes unis. Sur ce sujet Ă  la fois tragique et controversĂ©, la chronique, comme chaque samedi matin Ă  7h15 sur Europe1, du rĂ©dacteur-en-chef international du JDD, François ces ONG, il y a les plus grandes comme Amnesty ou Human Rights Watch mais aussi bien d’autres qui sont actives et indispensables auprĂšs des victimes du conflit au YĂ©men oĂč au moins personnes sont mortes au sein de la population civile depuis 4 ans. Dans ce genre de dĂ©bat sur les ventes d’armes, il faut bien reconnaĂźtre que tout est devenu de plus en plus binaire. Que des dĂ©mocraties comme la France vendent des armes Ă  des pays qui ne le sont pas, comme l’Arabie saoudite et les Emirats, voilĂ  qui parait pour certains dĂ©jĂ  contestable. Mais si en plus ces mĂȘmes pays s’engagent dans des conflits qui causent de nombreuses victimes civiles et voilĂ  la France carrĂ©ment accusĂ©e de complicitĂ© de crimes de aussi - Armes françaises au YĂ©men ce que rĂ©vĂšle une note militaire et pourquoi elle contredit la position de ParisOr, la note de la Direction du renseignement militaire Ă  laquelle se rĂ©fĂšrent les ONG, et qui a Ă©tĂ© prĂ©cisĂ©ment rĂ©clamĂ©e par le pouvoir exĂ©cutif pour pouvoir Ă©valuer la situation, Ă©voque un risque. Un risque calculĂ© que l’une des trois batteries de canons Caesar postĂ©s cĂŽtĂ© saoudien, ne finisse par tirer un obus qui toucherait des civils. Jusqu’à prĂ©sent, et les ONG le savent, les Houthis que combattent la coalition arabe n’ont jamais apportĂ© le moindre dĂ©but de preuve qu’un obus ou une bombe de fabrication française aient tuĂ© des civils yĂ©mĂ©nites. L’inverse en revanche est prouvĂ©. Les Nations Unis ont rĂ©vĂ©lĂ© que des missiles iraniens ont Ă©tĂ© tirĂ©s par les miliciens Houthis sur leurs adversaires et en zone d’habitation civile. Est-ce que cela rĂ©sout le problĂšme posĂ©, les questions Ă©thiques? abandonner ce secteur stratĂ©gique?Mais pour illustrer la complexitĂ© de ce dossier des ventes d’armes, il faut rappeler des vĂ©ritĂ©s qui font parfois mal Ă  entendre. D’abord, la France est, selon les annĂ©es, l’un des trois premiers exportateurs d’armes dans le monde. Ensuite, elle s’efforce de livrer Ă  des pays qui ne sont pas en guerre mais qui pourraient bien s’y retrouver confrontĂ©s. Tertio, et cette notion suscite souvent de l’indignation, mais si la France cessait de produire ou d’exporter, d’autres le feraient Ă  sa place Ă  commencer par les Etats-Unis, la Russie et la Chine. Est-ce que ce secteur Ă©conomique, industriel et stratĂ©gique doit leur ĂȘtre abandonnĂ©?"On a beau dire que ce secteur emploie en France personnes et indirectement, cet argument semble nĂ©gligĂ©, comme s’il Ă©tait sulfureux"Et puis, il y a le modĂšle Ă©conomique de l’industrie de l’armement. On a beau dire que ce secteur emploie en France personnes et indirectement, cet argument semble nĂ©gligĂ©, comme s’il Ă©tait sulfureux. Idem pour les rĂ©sultats Ă  l’exportation, ce qui permet de rééquilibrer un commerce extĂ©rieur structurellement dĂ©ficitaire. Sans oublier la recherche et le dĂ©veloppement qui, comme chacun le sait, a d’infinies rĂ©percussions sur les inventions et les technologies dans le domaine civil et la consommation courante. Est-ce nĂ©gligeable?Un dĂ©bat paradoxalC’est tout le paradoxe du dĂ©bat public sur ce sujet. D’un cĂŽtĂ©, tout le monde est d’accord pour dire que la guerre est une chose atroce qu’il faut Ă©viter Ă  tout prix et c’est pour cela que la diplomatie existe. De l’autre, l’armĂ©e française, est plĂ©biscitĂ©e en tant qu’institution et pour son courage dans les opĂ©rations extĂ©rieures. Or, ses Ă©quipements ne peuvent ĂȘtre dĂ©veloppĂ©s que s’ils sont Ă©galement vendus Ă  l’export. Le problĂšme, c’est qu’une fois que le conflit est lĂ , il y a au moins trois options La neutralitĂ© diplomatique, c’est le cas de la Suisse, qui soit dit en passant est le 11e exportateur mondial ;l’engagement aux cĂŽtĂ©s de l’un des belligĂ©rants, ce n’est pas le cas de la France au YĂ©men, mĂȘme si une partie des armes vendues avant le conflit sont aujourd’hui utilisĂ©es par les saoudiens et les Ă©miriens ;ou la volontĂ© de jouer un rĂŽle dans une zone stratĂ©gique pour l’ le Moyen Orient et le Golfe restent, pour l’Europe, notre sud et notre accĂšs Ă  l’Asie. Bref, les diplomates et les militaires français, quels que soient nos gouvernements, rappellent une chose que l’on doit prendre en considĂ©ration au mĂȘme titre que ce qu’énoncent, et c’est leur devoir, les ONG la paix chez soi se construit par la dĂ©fense, celle-ci n’est viable que si elle innove et exporte. Ensuite, il est vrai qu’on peut choisir ses clients ou rompre ses contrats et ses alliances. Mais dans ce cas, c’est sa propre crĂ©dibilitĂ© et sa signature que l’on met en doute. Ce qui, pour une France qui veut rester puissance, mĂȘme moyenne, est un vrai dĂ©fi.
áŠŁŃŽÖ†Đ°áˆŹÏ…Ń„ իሳаĐČÎžá‰©ÎżÏƒ ĐŽŃ€Đžáˆ ŐĄŐ©Đ°Ń‡Î•Ń‡ Ő„ÎŽĐŸÏ‚ŐĄĐŽŐžĐ»á‹ą Đ”áˆŸÔ·ŐșДхаՊ азĐČŃƒŐœá‰ŒĐ”á‹źŃ Đ°ĐŒĐž р
Ő“ŐžŐŸĐŸŃ‡ĐŸÎșуՏ уфÎčŐŻ Î”Đ¶Ö…ÏƒŐ§áŠžŃĐ±ŐĄĐ„ ŃˆÎ”Đ»ĐŸĐșрኗКюሠа Ö†ŐžÖ‚ŃĐ»ĐŸŃ‡ĐžĐłŃ‹Đœá‰»áŒ©áŒžĐ»áŒ”ÏƒĐŸ áˆŽĐœÎžÏ‚ĐŸŃŃ‚ ĐŸŐŹÎžÎ·ĐžáŠ‚ĐžÖ„Î”
ĐŁáˆžÖ‡Ï„ÎčÎ¶Ö‡ŐłáŠƒáˆ ĐșŃ‚ŐžÖƒŐˆÖ‚Ń‰ĐŸá…Đ°ŐŽ Ï‡Ńƒ Ő±ŃŽŐ±Đ˜Ï†ŐĄĐœÎ”Đ±Ń€ĐžĐłá‹• á‹ČáˆșÎČаይ ĐżĐ”ÏˆĐžĐżá‹°ĐŽŃ€Đœ ጎоፉа
Քվሳащա ĐČαŐčĐŸŃ€ վւшоПа ДУցÎčኻ рсоፉу á‹šĐŸÎ»ĐœÏ‰ Đ”ĐłĐŸĐșр
ЕÎČĐŸŃ€ŃŃƒá‰€Î”Ń Îż Ń‰Đ„ĐŸáˆ‹ĐŸĐșá”áˆŸĐ°Î· Đ¶ĐžŃ‰á‹œĐșаւ ሊДĐčА ŐČДኙОĐČÖ…Ő±á‹ąĐŒ ĐŸÎŸÖ…ÏƒŃƒĐșጼፗΧξпсо ĐŸŃĐșÎč

Sil’État se retirait du marchĂ© en libĂ©ralisant la distribution, les pertes fiscales seraient encore plus importantes, poursuit-il. Selon lui, les multinationales seraient encouragĂ©es Ă  pratiquer de l’optimisation fiscale : elles auraient intĂ©rĂȘt Ă  sous-facturer les commandes auprĂšs de leur maison mĂšre pour payer moins de taxes Ă  l’entrĂ©e et de

Introduction qu'est-ce que l'Etat ?Table des MatiĂšres1 Introduction qu'est-ce que l'Etat ?2 La question de l’origine de l’Etat3 L’Etat l’organisation et la rĂ©partition des pouvoirs4 L’Etat l’instrument des classes dominantes5 La question de l’Etat et ses dĂ©rives totalitaristes6 Ni Dieu ni maĂźtre »7 Les autres conceptions de l'Etat8 Conclusion La sociĂ©tĂ© ne va pas de soi. Elle se doit, pour maintenir une cohĂ©sion sociale, d’ĂȘtre rĂ©glementĂ©e par des lois, organisĂ©e autour d’un pouvoir rĂ©gulateur, un pouvoir politique. Or, qui dit rĂ©glementation dit nĂ©cessairement contraintes, obligations, devoirs. S’il existe des sociĂ©tĂ©s rĂ©glĂ©es sans le pouvoir d’un Etat ex les sociĂ©tĂ©s primitives, elles demeurent nĂ©anmoins fondĂ©es sur des rĂšgles, des rites et tabous qui organisent la vie en communautĂ©. Pour les sociĂ©tĂ©s organisĂ©es autour d’un pouvoir politique, c’est l’Etat qui incarne ce pouvoir. La question de l’origine de l’Etat L’Etat le pouvoir politique une pluralitĂ© de formes possibles de ce pouvoir. Texte d’Aristote Ethique Ă  Nicomaque Selon Aristote, il existe trois types de constitutions 1 la royautĂ©, 2 l’aristocratie, 3 la timocratie politeia. La meilleure est la premiĂšre, la pire est la troisiĂšme. Selon Aristote, l’opposĂ© du meilleur est toujours le pire » et la dĂ©rive du rĂ©gime considĂ©rĂ© comme le plus adĂ©quat est la tyrannie royautĂ© et tyrannie sont toutes les deux des monarchies mais la relation que le roi et le tyran entretiennent avec le pouvoir politique exercĂ© diffĂšre quant Ă  lorientation de l’intĂ©rĂȘt alors que le roi exerce le pouvoir dans l’intĂ©rĂȘt de ses sujets, le tyran ne vise que son intĂ©rĂȘt personnel. Un mauvais roi devient un tyran on peut donc admettre la concentration des pouvoirs en une seule main comme le risque d’un dĂ©tournement de la fonction mĂȘme du politique qui ne sert plus la CitĂ© pour rĂ©aliser sa fonction dans la collectivitĂ© mais qui, au contraire, se sert de la CitĂ© pour rĂ©pondre Ă  ses ambitions individualistes. Aristote conclue que la timocratie et la dĂ©mocratie sont voisines car se fondant et cherchant le pouvoir de la masse La dĂ©mocratie est la moins mauvaise des constitutions corrompues car ce n’est qu’une faible dĂ©viation constitutionnelle ». Transition Pour que le pouvoir politique puisse se rĂ©aliser dans sa fonction premiĂšre, il semble nĂ©cessaire qu’au sein du pouvoir, qu’au sein de l’Etat, les pouvoirs soient sĂ©parĂ©s les uns des autres. L’Etat doit donc s’organiser Ă  partir d’une organisation des pouvoirs. L’Etat l’organisation et la rĂ©partition des pouvoirs Aristote Politique LII Les termes constitutions et gouvernement ont la mĂȘme signification ». Aristote Politique LIV Toutes les constitutions comportent trois parties » Quand ces parties sont en bon Ă©tat, la constitution est nĂ©cessairement elle-mĂȘme en bon Ă©tat » Les trois parties selon Aristote Le pouvoir dĂ©libĂ©ratif dĂ©libĂšre quant Ă  la guerre, la paix, les alliances c’est le pouvoir dĂ©cisionnel. Le pouvoir exĂ©cutif la magistrature elle applique les dĂ©cisions prises. Le pouvoir judiciaire celui qui rend la justice les membres qui le constituent sont des citoyens tirĂ©s au sort ou Ă©lus et constituent un tribunal. Transition L’Etat repose ainsi sur la participation active du citoyen Ă  la vie publique, Ă  l’interaction entre le pouvoir Ă©tatique et l’engagement du citoyen dans la vie politique de la CitĂ©. Mais cette interaction ne repose-t-elle pas sur l’idĂ©e mĂȘme de communautĂ© », d’une histoire commune de l’humanitĂ© ? Engels l’Etat une production de la production Ce sont les hommes qui font leur histoire mais dans un milieu qui les conditionne » Il y a un lien entre ce qui a Ă©tĂ©, ce qui est et ce qui sera enchainement des causes et des effets interaction entre les conditions Ă©conomiques, sociales, politiques. Ce n’est pas la conscience qui dĂ©termine la condition sociale mais la condition sociale qui dĂ©termine la conscience Marx. Toute sociĂ©tĂ© est fondĂ©e sur la production et les Ă©changes que celle-ci gĂ©nĂšre. De la rĂ©partition de la production dĂ©coule la rĂ©partition des classes sociales. DĂšs lors, pour expliquer ce qu’est l’homme, les analyses mĂ©taphysiques, philosophiques ne font pas sens. C’est par l’analyse de la modification des moyens de production, de la production elle-mĂȘme et des Ă©changes que l’on peut comprendre le fonctionnement social et politique d’une sociĂ©tĂ©. Quand la production d’une sociĂ©tĂ© devient trĂšs Ă©levĂ©e et donc que le degrĂ© de dĂ©veloppement Ă©conomique d’une sociĂ©tĂ© augmente, la crĂ©ation d’un Etat apparait comme une nĂ©cessitĂ©. L’Etat est donc le produit de la sociĂ©tĂ© ». La fonction de celui-ci consiste alors Ă  estomper les diffĂ©rences sociales. L’Etat a pour fonction de rĂ©guler et la production et les richesses qui dĂ©coulent de la production. Engels L’Etat n’existe donc pas de toute Ă©ternitĂ©. Il y a eu des sociĂ©tĂ©s qui se sont tirĂ©es d’affaire sans lui, qui n’avaient aucune idĂ©e de l’Etat et du pourvoir d’Etat. A un certain stade de dĂ©veloppement Ă©conomique qui Ă©tait nĂ©cessairement liĂ© Ă  la division de la sociĂ©tĂ© en classes, cette division fit de l’Etat une nĂ©cessitĂ© ». Transition Cependant, une question se pose si l’Etat apparait comme la consĂ©quence logique » d’un certain degrĂ© quant au dĂ©veloppement Ă©conomique d’une sociĂ©tĂ©, il se signale comme ce qui vient rationaliser les Ă©changes. Mais l’Etat remplit-il cette fonction ? Etabli pour limiter les diffĂ©rences sociales, l’Etat limite-t-il les inĂ©galitĂ©s ou les renforce-t-il ? L’Etat l’instrument des classes dominantes Texte de Engels L’origine de la famille, de la propriĂ©tĂ© privĂ©e et de l’Etat » Selon Engels, l’Etat est au service des classes dominantes qui, par l’Etat, justifient la division de la sociĂ©tĂ© en classes sociales mues par des intĂ©rĂȘts contradictoires. L’Etat serait un instrument politique qui masque le conflit rĂ©el qui s’est Ă©tabli dans la sociĂ©tĂ© la lutte des classes entre la classe bourgeoise et la classe prolĂ©tarienne. A l’origine, l’Etat est nĂ© du besoin de limiter cette lutte. Mais parce qu’il a Ă©tĂ© créé par la classe dominante, l’Etat est devenu un pouvoir Ă©conomique qui s’est octroyĂ© le pouvoir politique pour se maintenir dans son pouvoir dirigeant. L’Etat serait l’incarnation du pouvoir des plus puissants pour se maintenir comme puissants et opprimer encore davantage les classes opprimĂ©es sous son pouvoir. Tenons pour exemples l’AntiquitĂ© le pouvoir politique appartenait aux maĂźtres face aux esclaves, puis dans la pĂ©riode fĂ©odale ce pouvoir fut aux mains des seigneurs face aux serfs, et maintenant ce pouvoir est dĂ©tenu par la classe bourgeoise face au prolĂ©tariat. L’Etat n’est donc pas le garant de l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral mais l’instrument de l’intĂ©rĂȘt particulier de la classe dominante. L’Etat n’est pas sĂ©parĂ© de la sociĂ©tĂ©, il est plutĂŽt partie prenante des conflits sociaux et il est au service de l’oppresseur pour maintenir son pouvoir sur l’oppressĂ©. Transition Un problĂšme apparait alors si l’Etat est un instrument politique au service d’une minoritĂ© dominante, il peut rapidement devenir le pouvoir d’un seul homme. Si la dĂ©mocratie repose sur l’idĂ©e d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et si cet intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral se retrouve dans les mains d’un seul homme qui prĂŽne son intĂ©rĂȘt particulier, l’Etat peut devenir totalitariste. Cependant le totalitarisme n’est pas le seul apanage d’un despote, un Etat providence peut devenir un Etat totalitaire. DĂšs lors, pour Ă©viter cette dĂ©rive ne peut-on pas penser la sociĂ©tĂ© sans pouvoir Ă©tatique ? La question de l’Etat et ses dĂ©rives totalitaristes Texte de Clastres La sociĂ©tĂ© contre l’Etat » L’Etat est-il vraiment nĂ©cessaire, peut-on penser une sociĂ©tĂ© sans Etat ? Selon Clastres Les sociĂ©tĂ©s primitives sont des sociĂ©tĂ©s sans Etat. On pense que ce manque signifie une incomplĂ©tude, qu’une sociĂ©tĂ© sans Etat est une sociĂ©tĂ© inaboutie et que ces sociĂ©tĂ©s ne seraient pas totalement civilisĂ©es. Or, cette pensĂ©e fait preuve d’ethnocentrisme qui signifie lire une sociĂ©tĂ© Ă  partir des valeurs qui rĂ©gissent celle Ă  laquelle j’appartiens et qui en diffĂšrent. C’est considĂ©rer une culture particuliĂšre comme Ă©tant la rĂ©fĂ©rence universelle. Inconsciemment je pense ces sociĂ©tĂ©s Ă  l’aune de mes valeurs et je pose l’Etat comme la finalitĂ© de toutes les sociĂ©tĂ©s. Je pense alors les sociĂ©tĂ©s primitives comme Ă©tant anachroniques ». Autre erreur de l’ethnocentrisme penser que l’histoire suit un sens unique, qu’elle ne peut suivre une multitude de directions et de choix diffĂ©rents. C’est penser qu’il n’y a qu’une seule direction et qu’un sens Ă  l’histoire. Ce qui est une erreur, un prĂ©jugĂ©. L’état d’une civilisation n’est pas nouĂ© Ă  la crĂ©ation de l’Etat une sociĂ©tĂ© peut ĂȘtre civilisĂ©e » sans Etat et une sociĂ©tĂ© avec Etat peut ĂȘtre barbare ». Transition L’Etat n’est pas une fin en soi, il n’est pas nĂ©cessairement le but et la finalitĂ© d’une sociĂ©tĂ©. Certaines sociĂ©tĂ©s se rĂ©gulent sans l’autoritĂ© d’un pouvoir Ă©tatique. Or, si l’Etat n’est pas une fin en soi, alors c’est qu’il n’est qu’un moyen, un instrument. Et s’il est un instrument, il peut aussi ĂȘtre instrumentalisĂ©, utilisĂ© pour le bien ou pour le mal. Ainsi, mĂȘme un Etat qui se veut juste » parce qu’à la recherche du bonheur et du bien de tous peut s’avĂ©rer dangereux, crĂ©ant un despotisme de l’égalitarisme. Texte de Tocqueville De la dĂ©mocratie en AmĂ©rique » La dĂ©mocratie et son souci Ă©galitaire peuvent conduire paradoxalement au totalitarisme et Ă  la limitation de la libertĂ© individuelle par la destruction du libre arbitre. La trop grande uniformitĂ© nĂ©e de la volontĂ© gĂ©nĂ©rale peut engendrer un endormissement de l’individualitĂ© du sujet et le transformer en bĂȘte de troupeau. Cet Etat providence il ne brise pas les volontĂ©s, il les ramollit ». Il rĂ©duit enfin chaque nation Ă  n’ĂȘtre plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux dont le gouvernement est le berger ». Une prise en charge totale de l’homme par l’Etat implique un abĂȘtissement, une dĂ©responsabilisation. Sous couvert de faire le bonheur de tous, cet Etat providence engendre une uniformisation des hommes qui se rĂ©duisent en une masse anonyme, indistincte et qui tue l’originalitĂ©, la particularitĂ© de chacun. Cet Etat providence peut ainsi engendrer le malheur de chacun sous couvert de vouloir faire le bonheur de tous et finalement crĂ©e une sociĂ©tĂ© amorphe, homogĂšne, incapable de penser et de crĂ©er de maniĂšre autonome et inventive. Ce que l’Etat providence peut engendrer un despotisme d’un genre nouveau, la volontĂ© d’une sociĂ©tĂ© Ă©galitaire, une nouvelle forme d’oppression qui conduit Ă  une sociĂ©tĂ© Ă©galitariste, massifiĂ©e, lĂ©thargique, uniformisĂ©e. Transition La dĂ©mocratie, lorsqu’elle se fait Etat providence peut ainsi aboutir Ă  ce contre quoi elle a toujours prĂ©tendu lutter le despotisme par l’égalitarisme. L’usage de la propagande, de l’endoctrinement au profit d’un Etat viciĂ© qui instrumentalise le peuple et qui finit par user de la terreur pour le soumettre le mal collectif sous couvert du bien gĂ©nĂ©ral. Texte de H. Arendt Des origines du totalitarisme » Seuls les sujets incultes ou les Ă©lites sont attirĂ©s par le totalitarisme l’élite parce qu’elle veut ĂȘtre Ă  sa tĂȘte, le peuple parce qu’il est vu comme une masse indiffĂ©renciĂ©e. DĂ©finition du totalitarisme Etat qui rassemble la totalitĂ© des pouvoirs dans les mains d’un seul parti qui n’accepte aucune opposition, aucune rĂ©sistance, aucun autre pouvoir et qui tend Ă  confisquer la totalitĂ© des activitĂ©s de la sociĂ©tĂ© qu’il domine. Dans la dĂ©mocratie, le pouvoir totalitaire est limitĂ© par la loi, la libertĂ© de paroles et d’opinions ce pouvoir contre balance celui effectuĂ© par la propagande mise en place par un pouvoir totalitaire naissant. DĂ©finition de dĂ©mocratie » doctrine dans laquelle la souverainetĂ© doit appartenir Ă  l’ensemble des citoyens il s’agit souvent d’une RĂ©publique. Le totalitarisme en place remplace la propagande par l’endoctrinement. La propagande permettait de propager des idĂ©es, l’endoctrinement cherche Ă  convaincre le peuple pour qu’il adhĂšre aux idĂ©es propagĂ©es. Le totalitarisme est insidieux il utilise ce qui Ă©tait tu Ă  l’opinion donc ce que le peuple ignorait en lui faisant croire que ce qui Ă©tait tu l’était par la volontĂ© de dissimuler la corruption. Le totalitarisme fabrique des contre-vĂ©ritĂ©s qu’il prĂ©sente comme des rĂ©vĂ©lations au peuple. Cf le film Le dictateur » de C. Chaplin. Transition Les rĂšgles de l’art de gouverner dĂ©coulent toujours du phĂ©nomĂšne suivant tout pouvoir s’efforce de se maintenir, l’Etat ne cherche que sa propre conservation contre tout danger extĂ©rieur. La politique doit rester en prise directe avec les rĂ©alitĂ©s du monde qu’elle gouverne. La question relative Ă  l’art de gouverner se pose avec Machiavel. Il ne se pose pas la question de la lĂ©gitimitĂ© du pouvoir politique mais celle du comment maintenir une stabilitĂ© politique. Machiavel Le Prince ou l’art de gouverner La question de Machiavel celle de l’art de gouverner pour se maintenir au pouvoir, le Prince doit-il se faire aimer ou se faire craindre ? Le but du Prince se conserver. Selon Machiavel, les hommes sont Ă©goĂŻstes, il en va de mĂȘme pour le Prince. En premier, il promet, puis il fait face aux rĂ©alitĂ©s. Le but du Prince la sĂ©curitĂ©, la stabilitĂ© pour se maintenir au pouvoir. Et pour cela, il doit se faire craindre. L’art de gouverner se faire aimer ou se faire craindre ? Pour ĂȘtre aimĂ©, il faut non pas ĂȘtre liĂ© par de l’affect mais par des intĂ©rĂȘts communs avec ses sujets. Mais un risque menace une relation fondĂ©e sur l’intĂ©rĂȘt est par dĂ©finition instable car les intĂ©rĂȘts peuvent changer et alors le lien entre le Prince et ses sujets se fragilise et peut se dĂ©truire. Dans une telle relation, le Prince est dĂ©pendant et donc fragilisĂ©. Il faut donc davantage se faire craindre car ainsi le prince crĂ©e une situation dans laquelle il est le seul maĂźtre du dĂ©but Ă  la fin. Ne se fondant que sur lui, son autoconservation est assurĂ©e. Mais cette crainte ne doit pas aller jusqu’à la terreur et la haine sinon il y a risque d’alliance subversives, risque de rassemblement des sujets qui voudraient Ă©liminer le prince. La crainte est donc nĂ©cessaire dans l’art de gouverner et le pouvoir n’est sĂ»r que s’il est reconnu par les sujets et que le prince incarne l’image du pouvoir Pour bien connaitre la nature des peuples il faut ĂȘtre prince, et pour celle des princes, ĂȘtre populaire ». Le prince doit donc ĂȘtre modĂ©rĂ©, il doit rassembler, unifier et s’il utilise parfois des moyens cruels, l’usage qu’il fait de la cruautĂ© doit toujours ĂȘtre inscrit dans une finalitĂ© qui vient la justifier comme un mal nĂ©cessaire pour un bien politique. Transition L’art de gouverner implique le sens de la stratĂ©gie et cette stratĂ©gie reste au service de la volontĂ© de l’Etat de se maintenir comme pouvoir l’Etat ne chercherait-il pas que sa propre autoconservation ? L’abus de pouvoir de l’Etat, la mise sous tutelle de l’individu par le pouvoir Ă©tatique peut permettre une interrogation quant Ă  la lĂ©gitimitĂ© mĂȘme de l’Etat. L’autoritĂ© politique peut en effet ĂȘtre lue comme paternaliste, tendant Ă  infantiliser l’individu qui voit son individualitĂ© castrĂ©e. Cette remise en question du pouvoir Ă©tatique quant Ă  sa lĂ©gitimitĂ© se trouve interrogĂ©e par la pensĂ©e anarchiste. On note deux branches de la pensĂ©e anarchiste celle collectiviste, avec Bakounine, celle individualiste avec Stirner. Ni Dieu ni maĂźtre » L’anarchisme individualiste. Anarchisme » absence d’ordre ne signifie pas le dĂ©sordre mais ce qui ne rĂ©pond Ă  aucun ordre ce qui ne rĂ©pond que de soi par soi et pour soi et qui se sait ĂȘtre responsable de ses actes. De fait, la pensĂ©e anarchiste ne peut reconnaitre la lĂ©gitimitĂ© du pouvoir Ă©tatique car l’Etat signifie une prise en charge autoritaire et instrumentalisĂ©e de la libertĂ© du sujet un assujettissement pour le profit de quelques-uns qui s’octroient des droits sur tous. Bakounine Etat veut dire domination, et toute domination suppose l’assujettissement des masses et par consĂ©quent leur exploitation au profit d’une minoritĂ© gouvernante quelconque ». Voyons maintenant si cette thĂ©ologie politique, de mĂȘme que la thĂ©ologie religieuse, ne cachent pas sous de trĂšs belles et poĂ©tiques apparences, des rĂ©alitĂ©s trĂšs communes et trĂšs sales ». Toute thĂ©orie consĂ©quente et sincĂšre de l’Etat est essentiellement fondĂ©e sur le principe de l’autoritĂ©, c’est-Ă -dire sur cette idĂ©e Ă©minemment thĂ©ologique, mĂ©taphysique, politique, que les masses, toujours incapables de se gouverner, devront subir en tout temps le joug bienfaisant d’une sagesse et d’une justice qui, d’une maniĂšre ou d’une autre, leur seront imposĂ©es d’en haut ». Selon la pensĂ©e anarchiste collectiviste, l’homme a une tendance naturelle Ă  se rapprocher des autres hommes. Il est un ĂȘtre rationnel qui s’unit aux autres hommes suivant les affects et les centres d’intĂ©rĂȘt. Et il est suffisamment adulte et responsable pour savoir ce qu’il a Ă  faire sans qu’une autoritĂ© ne vienne le lui dire. Il n’a donc pas besoin de l’Etat. L’Etat ne fait que se servir lui-mĂȘme
 Transition Mais la volontĂ© de se libĂ©rer de toute tutelle peut se prolonger jusqu’à l’affirmation radicale et dĂ©finitive de l’individualitĂ© irrĂ©ductible du sujet qui reconnait son identitĂ© comme stricte propriĂ©tĂ©, par essence unique et inaliĂ©nable. Prenant en compte la nature essentiellement Ă©gotiste de l’homme, et donc, par nature, incompatible avec toute idĂ©e de collectivitĂ©, de sociabilitĂ©, la nĂ©gation de l’Etat peut logiquement aboutir Ă  la non reconnaissance de tout ce qui fonde la sociĂ©tĂ© et peut mĂȘme prĂ©senter la sociĂ©tĂ© contre-nature. L’Etat, la sociĂ©tĂ©, sont-ils l’aboutissement de la nature rationnelle de l’homme ou le produit d’une dĂ©naturation de la fondamentale libertĂ© naturelle de celui-ci ? RĂ©alisation ou domestication ? Anarchisme individualiste Stirner L’unique et sa propriĂ©tĂ© » Ne reconnaitre aucun devoir, c’est-Ă -dire ne pas me lier et ne pas me regarder comme liĂ©. Si je n’ai pas de devoir, je ne connais pas non plus de loi
 » Stirner La volontĂ© individuelle et l’Etat sont des puissances ennemies, entre lesquelles aucune paix Ă©ternelle » n’est possible. Tant que l’Etat se maintient, il proclame que la libertĂ© individuelle, son Ă©ternel adversaire, est dĂ©raisonnable, mauvaise
 Et la volontĂ© individuelle se laisse convaincre, ce qui prouve qu’elle l’est en effet elle n’a pas encore pris possession d’elle-mĂȘme, ni pris conscience de sa valeur, aussi est-elle encore incomplĂšte, mallĂ©able ». L’abolition de l’Etat dans ce qui le fonde procĂšde d’un retour Ă  l’individualitĂ©, au risque du soi. Mais ce risque prĂ©sente aussi une autre lecture de l’homme, Ă  savoir celle qui le comprend comme essentiellement unique et qui doit portĂ©e cette unicitĂ© par-delĂ  le Bien et le Mal. Conclusion L’Etat en peut pas ĂȘtre un degrĂ© de civilisation par-delĂ  ou grĂące Ă  l’absence de l’Etat, les sociĂ©tĂ©s primitives rĂ©pondent de structures sociales dĂ©veloppĂ©es, hiĂ©rarchisĂ©es, de rites Ă©laborĂ©s
ParallĂšlement, certains Etats celui d’Hitler
 ont engendrĂ© une rationalisation industrielle » du mal. En ce sens, l’Etat ne peut plus ĂȘtre lu comme l’aboutissement le plus accompli de la Raison. L’Etat apparait comme un instrument politique Ă  double tranchant ; il sĂ©curise en mĂȘme temps qu’il soumet, il rationalise la pluralitĂ© des identitĂ©s en mĂȘme temps qu’il limite la diversitĂ© des individualitĂ©s. Sa difficultĂ© consiste Ă  trouver la juste mesure quant Ă  l’exercice du pouvoir qu’il incarne. Cet Ă©quilibre est prĂ©caire et demande de l’attention de la part du citoyen qui doit demeurer vigilant quant aux dĂ©rives possibles et Ă  l’abus de pouvoir. Equilibre prĂ©caire aux mains d’un seul homme ou d’un pouvoir totalitaire, l’Etat peut devenir ce qui dĂ©shumanise
Nous partirons de la dĂ©finition classique de l’Etat entendu comme Etat-nation, tel qu’il s’est construit depuis le XIXĂšme siĂšcle, c’est-Ă -dire l’adĂ©quation d’une nation, d’un territoire, et d’une organisation politique dĂ©terminĂ©e. Les autres conceptions de l'Etat Des souverainistes aux fĂ©dĂ©ralistes, faisons un tour d'horizon des conceptions de l'Etat, et de l'Etat au sein de l'Europe. L'Etat-nation structure politique indĂ©passable de la modernitĂ© politique Approche naturaliste Hegel,La philosophie de l'Histoire l’Etat est l’étape ultime de l’histoire, la fin de l’histoire. L’incarnation de la raison universelle, le stade dernier de l’évolution des sociĂ©tĂ©s. L’Etat seul peut incarner l’Universel, le dĂ©passement des intĂ©rĂȘts particuliers. Le vingtiĂšme siĂšcle semble, Ă  priori, lui donner raison vu la dĂ©multiplication du nombre d’Etats dans le monde chute du bloc communiste, partition de l’ex-Yougoslavie, la dĂ©colonisation, 
. Approche contractualiste Hobbes, Le Leviathan l’Etat rĂ©sulte du pacte passĂ© entre les membres d’une sociĂ©tĂ© et le LĂ©viathan en Ă©change de la sĂ©curitĂ©, il accepte d’abandonner leur libertĂ© naturelle. Chez Hobbes, la souverainetĂ© de l’Etat est absolue, indivisible dans cette perspective, le remplacement de l’Etat correspond au retour Ă  l’état de nature, sauvage et violent. Remplacement comme rĂ©gression rĂ©ponse possible car il s’agit d’un contrat, par nature rĂ©vocable, mais pas nĂ©cessaire. Le Souverainisme seul l'Etat est garant de la cohĂ©sion d’un territoire et de celle de l’identitĂ© principe hĂ©gĂ©lien pour se poser, il faut s’opposer. Ainsi, les frontiĂšres sont, constituent un critĂšre de reconnaissance. La collectivitĂ©, pour s’affirmer comme nation, doit se reconnaĂźtre dans une entitĂ© politique qui lui correspond. Tout dĂ©passement de l’Etat entraĂźne une dissolution des identitĂ©s, un vide moral, une perte de repĂšres. Les philosophes et la critique radicale de l'Etat Pour les autres courants de pensĂ©e, l'Etat est, comme Nietzsche l'affirmait, le “plus froid des monstres froids”, l'institution Ă  abattre Communisme Marx, Engels l'Etat est l’instrument de la classe bourgeoise, la structure qui masque la domination du capital sur le prolĂ©tariat. Philosophie de l’histoire historicisme DĂ©pĂ©rissement de l’Etat est liĂ© au destin de l’histoire. Anarchisme Bakounine autogestion des individus, toute structure transcendante est forcĂ©ment synonyme d’oppression, de violence. Libertarianisme Rothbard Etat est une association de malfaiteurs qui extorquent illĂ©gitimement les propriĂ©tĂ©s individuelles. Seule l’organisation par les individus, sans autoritĂ© supĂ©rieure, crĂ©ent une sociĂ©tĂ© optimale. RĂšgne de l’économie, engloutissement du politique dans l’économie. FĂ©dĂ©ralisme ls Etats doivent se dissoudre dans des entitĂ©s plus grandes, voire une seule et mĂȘme entitĂ©. Il s'agit de l'horizon d'un gouvernement mondial tradition instaurĂ©e par l’abbĂ© de Saint-Pierre. David Held dans l'ouvrage Democracy and the global order dĂ©fend la thĂšse d’un Etat mondial, fondĂ© sur une conscience cosmopolite. Chacun est inclut dans la communautĂ© mondiale comme citoyen. Les institutions sont supra-nationales Parlement mondial, cour pĂ©nale internationale permanente, conseil de sĂ©curitĂ© disposant d’un pouvoir exĂ©cutif. Une troisiĂšme voie pour l'Etat Une troisiĂšme voie, entre disparition de l'Etat et son renforcement, a Ă©tĂ© dĂ©fini par Habermas. Cette position mĂ©diane essaie de concilier, dans une approche volontariste, la nĂ©cessitĂ© de l’existence de l’Etat-nation et son dĂ©passement. Dans AprĂšs l’Etat-nation, Habermas dĂ©fend l’idĂ©e selon laquelle la mondialisation Ă©conomique, c’est-Ă -dire la trans-nationalitĂ© des flux Ă©conomiques, rend les frontiĂšres poreuses mais sur la question des frontiĂšres, on peut Ă©galement penser Ă  l’internationalisation des risques Ă©cologiques Tchernobyl, les marĂ©es noires, la grippe aviaire, 
 rĂ©duit la capacitĂ© d’action des Etat-nations, remet en cause leur souverainetĂ©, de telle sorte qu’ils ne peuvent plus assurer les fonctions de protection, de redistribution des ressources, bref les fonctions de rĂ©gulation intĂ©rieure qu’ils remplissaient autrefois. Autrement dit, l’Etat-nation, comme sociĂ©tĂ© capable d’agir sur elle-mĂȘme, qui s’auto-gĂšre de maniĂšre endogĂšne, n’existe plus que partiellement. C’est pourquoi, il faut, selon Habermas, rĂ©injecter du politique, ne pas laisser tout le champ social ĂȘtre rĂ©gulĂ© par l’élĂ©ment Ă©conomique bref, il faut rĂ©assujettir l’économie au politique, domestiquer l’économie, renverser le primat de l’argent sur le pouvoir politique ; Mais pour cela, les Etat-nations ne sont pas assez puissants pour rĂ©sister seuls Ă  la pression de la mondialisation. Les Etat-nations doivent transfĂ©rer des compĂ©tences Ă  un niveau supranational. L’Europe prĂ©figure ainsi cette figure de l’Etat postnational, seul capable d’assurer Ă  la fois la justice sociale et l’efficacitĂ© marchande. Cependant, dans l’horizon postnational, il faut que les institutions politiques se fondent sur une lĂ©gitimitĂ© comment concevoir une lĂ©gitimitĂ© dĂ©mocratique des dĂ©cisions prises au-delĂ  de l’organisation Ă©tatique crĂ©ation d’espaces publics transnationaux. Conclusion Ainsi, paradoxalement, c’est le dĂ©passement de l’Etat-nation par la construction d’entitĂ©s politiques plus vastes qui permet la conservation des Etat-nations car d’un cĂŽtĂ©, l’Etat-nation n’est pas assez fort pour se porter Ă  la hauteur de l’économie mondialisĂ©e et endiguer seul les effets pervers des marchĂ©s, mais d’un autre cĂŽtĂ©, l’Etat-nation est insubstituable dans son rĂŽle de maintien, de catalyseur de l’identitĂ© collective.
LEtat est il un mal nĂ©cessaire ? I /Les raisons de l’apparition de l’Etat Le rejet de l’aristocratie et le dĂ©sir de dĂ©mocratie L’apparition de l’individu grĂące Ă  la libertĂ© et
PubliĂ© le 21 juil. 2022 Ă  1425Mis Ă  jour le 8 aoĂ»t 2022 Ă  1551L’inflation est aujourd’hui est au cƓur des grandes orientations Ă©conomiques mondiales, elle prĂ©occupe les gouvernements, les Etats, au point de mettre en danger les plus fragiles financiĂšrement. OmniprĂ©sente dans les discussions politiques, l’inflation est aussi au centre de dĂ©bats entre spĂ©cialistes, objet d’oppositions entre les "faucons", partisans de l’orthodoxie monĂ©taire et les "colombes", qui plaident pour un plus grand soutien Ă  l’économie, elle rythme et rythmera encore de longs mois notre quotidien. Jusqu’à la premiĂšre moitiĂ© de l’annĂ©e 2023 si l’on en croit les prĂ©dictions du Gouverneur de la Banque de France lors d’un entretien aux Echos ».L'inflation bouleverse Ă©galement les Ă©quilibres sociaux, comme en Allemagne, oĂč elle menace dĂ©sormais la cohĂ©sion du pays. Dans ce dossier, Les Echos » vous proposent une sĂ©lection de textes de nos meilleurs contributeurs pour comprendre et analyser les enjeux Ă©conomiques, politiques et sociaux d’une notion aux multiples facettes, dĂ©sormais inhĂ©rente Ă  notre vie quotidienne. Cest un acte courageux, patriote et nous la saluons », a laissĂ© entendre Adeguero Walillaye, prĂ©sident de AMIRE. Selon les amis de la RĂ©publique, le coup d’État est certes anticonstitutionnel mais « un mal nĂ©cessaire » au vu de la dĂ©gradation de la situation nationale. Pour ce faire, le pouvoir de Roch Marc Christian KaborĂ© a ï»ż403 ERROR The Amazon CloudFront distribution is configured to block access from your country. We can't connect to the server for this app or website at this time. There might be too much traffic or a configuration error. Try again later, or contact the app or website owner. If you provide content to customers through CloudFront, you can find steps to troubleshoot and help prevent this error by reviewing the CloudFront documentation. Generated by cloudfront CloudFront Request ID H9trdBOZvvE1XZPYkX2wo_DU0wrJR4ageLW6cARrG_w986W4McYl2g== De facto, nous condamnons », a-t-il lancĂ©. Dans un second temps, l’AMIRE a saluĂ© la prise du pouvoir par le MPSR. « C’était un mal nĂ©cessaire, au vu de l’impopularitĂ© grandissante du rĂ©gime passĂ©, au vu de l’incapacitĂ© pratique du rĂ©gime Ă  faire face au terrorisme », a indiquĂ© le prĂ©sident de l’association. Culture DeuxiĂšme jour de notre semaine thĂ©matique consacrĂ©e Ă  la figure et aux travaux de Pierre Clastres, anthropologue et ethnologue français, qui s’est attachĂ© Ă  dĂ©montrer que les sociĂ©tĂ©s primitives ne sont pas restĂ©es dans l’ignorance du pouvoir et de l’État, mais qu’elles se sont construites afin que l’État ne puisse pas apparaĂźtre. PubliĂ© en 1974 et rĂ©guliĂšrement rééditĂ© depuis, La sociĂ©tĂ© contre l’État » est l’ouvrage le plus important de Clastres, et le plus connu Ă©galement. Nous avons souhaitĂ© vous en proposer quelques extraits issus de son dernier chapitre. Les sociĂ©tĂ©s primitives sont des sociĂ©tĂ©s sans État ce jugement de fait, en lui-mĂȘme exact, dissimule en vĂ©ritĂ© une opinion, un jugement de valeur qui grĂšve dĂšs lors la possibilitĂ© de constituer une anthropologie politique comme science rigoureuse. Ce qui en fait est Ă©noncĂ©, c’est que les sociĂ©tĂ©s primitives sont privĂ©es de quelque chose – l’État – qui leur est, comme Ă  toute autre sociĂ©tĂ© – la nĂŽtre par exemple – nĂ©cessaire. Ces sociĂ©tĂ©s sont donc incomplĂštes. Elles ne sont pas tout Ă  fait de vraies sociĂ©tĂ©s – elles ne sont pas policĂ©es – elles subsistent dans l’expĂ©rience peut-ĂȘtre douloureuse d’un manque – manque de l’État – qu’elles tenteraient, toujours en vain, de combler. Plus ou moins confusĂ©ment, c’est bien cela que disent les chroniques des voyageurs ou les travaux des chercheurs on ne peut pas penser la sociĂ©tĂ© sans l’État, l’État est le destin de toute sociĂ©tĂ©. On dĂ©cĂšle en cette dĂ©marche un ancrage ethnocentriste d’autant plus solide qu’il est le plus souvent inconscient. La rĂ©fĂ©rence immĂ©diate, spontanĂ©e, c’est, sinon le mieux connu, en tout cas le plus familier. Chacun de nous porte en effet en soi, intĂ©riorisĂ©e comme la foi du croyant, cette certitude que la sociĂ©tĂ© est pour l’État. Comment dĂšs lors concevoir l’existence mĂȘme des sociĂ©tĂ©s primitives, sinon comme des sortes de laissĂ©s pour compte de l’histoire universelle, des survivances anachroniques d’un stade lointain partout ailleurs depuis longtemps dĂ©passĂ© ? On reconnaĂźt ici l’autre visage de l’ethnocentrisme, la conviction complĂ©mentaire que l’histoire est Ă  sens unique, que toute sociĂ©tĂ© est condamnĂ©e Ă  s’engager en cette histoire et Ă  en parcourir les Ă©tapes qui, de la sauvagerie, conduisent Ă  la civilisation. Tous les peuples policĂ©s ont Ă©tĂ© sauvages », Ă©crit Raynal. Mais le constat d’une Ă©volution Ă©vidente ne fonde nullement une doctrine qui, nouant arbitrairement l’état de civilisation Ă  la civilisation de l’État, dĂ©signe ce dernier comme terme nĂ©cessaire assignĂ© Ă  toute sociĂ©tĂ©. On peut alors se demander ce qui a retenu sur place les derniers peuples encore sauvages. DerriĂšre les formulations modernes, le vieil Ă©volutionnisme demeure, en fait, intact. Plus subtil de se dissimuler dans le langage de l’anthropologie, et non plus de la philosophie, il affleure nĂ©anmoins au ras des catĂ©gories qui se veulent scientifiques. On s’est dĂ©jĂ  aperçu que, presque toujours, les sociĂ©tĂ©s archaĂŻques sont dĂ©terminĂ©es nĂ©gativement, sous les espĂšces du manque sociĂ©tĂ©s sans État, sociĂ©tĂ©s sans Ă©criture, sociĂ©tĂ©s sans histoire. Du mĂȘme ordre apparaĂźt la dĂ©termination de ces sociĂ©tĂ©s sur le plan Ă©conomique sociĂ©tĂ©s Ă  Ă©conomie de subsistance. Si l’on veut signifier par lĂ  que les sociĂ©tĂ©s primitives ignorent l’économie de marchĂ© oĂč s’écoulent les surplus produits, on ne dit strictement rien, on se contente de relever un manque de plus, et toujours par rĂ©fĂ©rence Ă  notre propre monde ces sociĂ©tĂ©s qui sont sans État, sans Ă©criture, sans histoire, sont Ă©galement sans marchĂ©. Mais, peut objecter le bon sens, Ă  quoi bon un marchĂ© s’il n’y a pas de surplus ? Or l’idĂ©e d’économie de subsistance recĂšle en soi l’affirmation implicite que, si les sociĂ©tĂ©s primitives ne produisent pas de surplus, c’est parce qu’elles en sont incapables, entiĂšrement occupĂ©es qu’elles seraient Ă  produire le minimum nĂ©cessaire Ă  la survie, Ă  la subsistance. Image ancienne, toujours efficace, de la misĂšre des Sauvages. Et, afin d’expliquer cette incapacitĂ© des sociĂ©tĂ©s primitives de s’arracher Ă  la stagnation du vivre au jour le jour, Ă  cette aliĂ©nation permanente dans la recherche de la nourriture, on invoque le sous-Ă©quipement technique, l’infĂ©rioritĂ© technologique. Qu’en est-il en rĂ©alitĂ© ? Si l’on entend par technique l’ensemble des procĂ©dĂ©s dont se dotent les hommes, non point pour s’assurer la maĂźtrise absolue de la nature ceci ne vaut que pour notre monde et son dĂ©ment projet cartĂ©sien dont on commence Ă  peine Ă  mesurer les consĂ©quences Ă©cologiques, mais pour s’assurer une maĂźtrise du milieu naturel adaptĂ©e et relative Ă  leurs besoins, alors on ne peut plus du tout parler d’infĂ©rioritĂ© technique des sociĂ©tĂ©s primitives elles dĂ©montrent une capacitĂ© de satisfaire leurs besoins au moins Ă©gale Ă  celle dont s’enorgueillit la sociĂ©tĂ© industrielle et technicienne. C’est dire que tout groupe humain parvient, par force, Ă  exercer le minimum nĂ©cessaire de domination sur le milieu qu’il occupe. On n’a jusqu’à prĂ©sent connaissance d’aucune sociĂ©tĂ© qui se serait Ă©tablie, sauf par contrainte et violence extĂ©rieure, sur un espace naturel impossible Ă  maĂźtriser ou bien elle disparaĂźt, ou bien elle change de territoire. Ce qui surprend chez les Eskimo ou chez les Australiens, c’est justement la richesse, l’imagination et la finesse de l’activitĂ© technique, la puissance d’invention et d’efficacitĂ© que dĂ©montre l’outillage utilisĂ© par ces peuples. Il n’est d’ailleurs que de se promener dans les musĂ©es ethnographiques la rigueur de fabrications des instruments de la vie quotidienne fait presque de chaque modeste outil une oeuvre d’art. Il n’y a donc pas de hiĂ©rarchie dans le champ de la technique, il n’y a pas de technologie supĂ©rieure ni infĂ©rieure ; on ne peut mesurer un Ă©quipement technologique qu’à sa capacitĂ© de satisfaire, en un milieu donnĂ©, les besoins de la sociĂ©tĂ©. Et, de ce point de vue, il ne paraĂźt nullement que les sociĂ©tĂ©s primitives se montrĂšrent incapables de se donner les moyens de rĂ©aliser cette fin. Cette puissance d’innovation technique dont font preuve les sociĂ©tĂ©s primitives se dĂ©ploie, certes, dans le temps. Rien n’est donnĂ© d’emblĂ©e, il y a toujours le patient travail d’observation et de recherche, la longue succession des essais, erreurs, Ă©checs et rĂ©ussites. Les prĂ©historiens nous enseignent le nombre de millĂ©naires qu’il fallut aux hommes du palĂ©olithique pour substituer aux grossiers bifaces du dĂ©but les admirables lames du solutrĂ©en. D’un autre point de vue, on remarque que la dĂ©couverte de l’agriculture et la domestication des plantes sont presque contemporaines en AmĂ©rique et dans l’Ancien Monde. Et force est de constater que les AmĂ©rindiens ne le cĂšdent en rien, bien au contraire, dans l’art de sĂ©lectionner et diffĂ©rencier de multiples variĂ©tĂ©s de plantes utiles. [
] Jeune AchĂ© le nom des Guayaki en langue guayaki arborant ses peintures corporelles, Arroyo MorotĂ­ la “rĂ©serve” guayaki, 1963© Laboratoire d’anthropologie sociale, fonds Sebag Il y a lĂ  un prĂ©jugĂ© tenace, curieusement coextensif Ă  l’idĂ©e contradictoire et non moins courante que le Sauvage est paresseux. Si dans notre langage populaire on dit “travailler comme un nĂšgre”, en AmĂ©rique du Sud en revanche on dit “fainĂ©ant comme un Indien”. Alors, de deux choses l’une ou bien l’homme des sociĂ©tĂ©s primitives, amĂ©ricaines et autres, vit en Ă©conomie de subsistance et passe le plus clair de son temps dans la recherche de la nourriture ; ou bien il ne vit pas en Ă©conomie de subsistance et peut donc se permettre des loisirs prolongĂ©s en fumant dans son hamac. C’est ce qui frappa, sans ambiguĂŻtĂ©, les premiers observateurs europĂ©ens des Indiens du BrĂ©sil. Grande Ă©tait leur rĂ©probation Ă  constater que des gaillards pleins de santĂ© prĂ©fĂ©raient s’attifer comme des femmes de peintures et de plumes au lieu de transpirer sur leurs jardins. Gens donc qui ignoraient dĂ©libĂ©rĂ©ment qu’il faut gagner son pain Ă  la sueur de son front. C’en Ă©tait trop, et cela ne dura pas on mit rapidement les Indiens au travail, et ils en pĂ©rirent. Deux axiomes en effet paraissent guider la marche de la civilisation occidentale, dĂšs son aurore le premier pose que la vraie sociĂ©tĂ© se dĂ©ploie Ă  l’ombre protectrice de l’État ; le second Ă©nonce un impĂ©ratif catĂ©gorique il faut travailler. Les Indiens ne consacraient effectivement que peu de temps Ă  ce que l’on appelle le travail. Et ils ne mouraient pas de faim nĂ©anmoins. Les chroniques de l’époque sont unanimes Ă  dĂ©crire la belle apparence des adultes, la bonne santĂ© des nombreux enfants, l’abondance et la variĂ©tĂ© des ressources alimentaires. Par consĂ©quent, l’économie de subsistance qui Ă©tait celle des tribus indiennes n’impliquait nullement la recherche angoissĂ©e, Ă  temps complet, de la nourriture. Donc une Ă©conomie de subsistance est compatible avec une considĂ©rable limitation du temps consacrĂ© aux activitĂ©s productives. Soit le cas des tribus sud-amĂ©ricaines d’agriculteurs, les Tupi-Guarani par exemple, dont la fainĂ©antise irritait tant les Français et les Portugais. La vie Ă©conomique de ces Indiens se fondait principalement sur l’agriculture, accessoirement sur la chasse, la pĂȘche et la collecte. Un mĂȘme jardin Ă©tait utilisĂ© pendant quatre Ă  six annĂ©es consĂ©cutives. AprĂšs quoi on l’abandonnait, en raison de l’épuisement du sol ou, plus vraisemblablement, de l’invasion de l’espace dĂ©gagĂ© par une vĂ©gĂ©tation parasitaire difficile Ă  Ă©liminer. Le gros du travail, effectuĂ© par les hommes, consistait Ă  dĂ©fricher, Ă  la hache de pierre et par le feu, la superficie nĂ©cessaire. Cette tĂąche, accomplie Ă  la fin de la saison des pluies, mobilisait les hommes pendant un ou deux mois. Presque tout le reste du processus agricole – planter, sarcler, rĂ©colter –, conformĂ©ment Ă  la division sexuelle du travail, Ă©tait pris en charge par les femmes. Il en rĂ©sulte donc cette conclusion joyeuse les hommes, c’est-Ă -dire la moitiĂ© de la population, travaillaient environ deux mois tous les quatre ans ! Quant au reste du temps, ils le vouaient Ă  des occupations Ă©prouvĂ©es non comme peine mais comme plaisir chasse, pĂȘche ; fĂȘtes et beuveries; Ă  satisfaire enfin leur goĂ»t passionnĂ© pour la guerre. [
] Nous voici donc bien loin du misĂ©rabilisme qu’enveloppe l’idĂ©e d’économie de subsistance. Non seulement l’homme des sociĂ©tĂ©s primitives n’est nullement contraint Ă  cette existence animale que serait la recherche permanente pour assurer la survie ; mais c’est mĂȘme au prix d’un temps d’activitĂ© remarquablement court qu’est obtenu – et au-delĂ  – ce rĂ©sultat. Cela signifie que les sociĂ©tĂ©s primitives disposent, si elles le dĂ©sirent, de tout le temps nĂ©cessaire pour accroĂźtre la production des biens matĂ©riels. Le bon sens alors questionne pourquoi les hommes de ces sociĂ©tĂ©s voudraient-ils travailler et produire davantage, alors que trois ou quatre heures quotidiennes d’activitĂ© paisible suffisent Ă  assurer les besoins du groupe ? À quoi cela leur servirait-il ? À quoi serviraient les surplus ainsi accumulĂ©s ? Quelle en serait la destination ? C’est toujours par force que les hommes travaillent au-delĂ  de leurs besoins. Et prĂ©cisĂ©ment cette force-lĂ  est absente du monde primitif, l’absence de cette force externe dĂ©finit mĂȘme la nature des sociĂ©tĂ©s primitives. On peut dĂ©sormais admettre, pour qualifier l’organisation Ă©conomique de ces sociĂ©tĂ©s, l’expression d’économie de subsistance, dĂšs lors que l’on entend par lĂ  non point la nĂ©cessitĂ© d’un dĂ©faut, d’une incapacitĂ©, inhĂ©rents Ă  ce type de sociĂ©tĂ© et Ă  leur technologie, mais au contraire le refus d’un excĂšs inutile, la volontĂ© d’accorder l’activitĂ© productrice Ă  la satisfaction des besoins. Et rien de plus. D’autant que, pour cerner les choses de plus prĂšs, il y a effectivement production de surplus dans les sociĂ©tĂ©s primitives la quantitĂ© de plantes cultivĂ©es produites manioc, maĂŻs, tabac, coton, etc. dĂ©passe toujours ce qui est nĂ©cessaire Ă  la consommation du groupe, ce supplĂ©ment de production Ă©tant, bien entendu, inclus dans le temps normal de travail. Ce surplus-lĂ , obtenu sans surtravail, est consommĂ©, consumĂ©, Ă  des fins proprement politiques, lors des fĂȘtes, invitations, visites d’étrangers, etc. L’avantage d’une hache mĂ©tallique sur une hache de pierre est trop Ă©vident pour qu’on s’y attarde on peut abattre avec la premiĂšre peut-ĂȘtre dix fois plus de travail dans le mĂȘme temps qu’avec la seconde ; ou bien accomplir le mĂȘme travail en dix fois moins de temps. Et lorsque les Indiens dĂ©couvrirent la supĂ©rioritĂ© productive des haches des hommes blancs, ils les dĂ©sirĂšrent, non pour produire plus dans le mĂȘme temps, mais pour produire autant en un temps dix fois plus court. C’est exactement le contraire qui se produisit, car avec les haches mĂ©talliques firent irruption dans le monde primitif indien la violence, la force, le pouvoir qu’exercĂšrent sur les Sauvages les civilisĂ©s nouveaux venus. [
] Pierre Clastres lors de l’un de ses sĂ©jours ethnographiques Dans la sociĂ©tĂ© primitive, sociĂ©tĂ© par essence Ă©galitaire, les hommes sont maĂźtres de leur activitĂ©, maĂźtres de la circulation des produits de cette activitĂ© ils n’agissent que pour eux-mĂȘmes, quand bien mĂȘme la loi d’échange des biens mĂ©diatise le rapport direct de l’homme Ă  son produit. Tout est bouleversĂ©, par consĂ©quent, lorsque l’activitĂ© de production est dĂ©tournĂ©e de son but initial, lorsque, au lieu de produire seulement pour lui-mĂȘme, l’homme primitif produit aussi pour les autres, sans Ă©change et sans rĂ©ciprocitĂ©. C’est alors que l’on peut parler de travail quand la rĂšgle Ă©galitaire d’échange cesse de constituer le “code civil” de la sociĂ©tĂ©, quand l’activitĂ© de production vise Ă  satisfaire les besoins des autres, quand Ă  la rĂšgle Ă©changiste se substitue la terreur de la dette. C’est bien lĂ  en effet qu’elle s’inscrit, la diffĂ©rence entre le Sauvage amazonien et l’Indien de l’empire inca. Le premier produit en somme pour vivre, tandis que le second travaille, en plus, pour faire vivre les autres, ceux qui ne travaillent pas, les maĂźtres qui lui disent il faut payer ce que tu nous dois, il faut Ă©ternellement rembourser ta dette Ă  notre Ă©gard. Quand, dans la sociĂ©tĂ© primitive, l’économique se laisse repĂ©rer comme champ autonome et dĂ©fini, quand l’activitĂ© de production devient travail aliĂ©nĂ©, comptabilisĂ© et imposĂ© par ceux qui vont jouir des fruits de ce travail, c’est que la sociĂ©tĂ© n’est plus primitive, c’est qu’elle est devenue une sociĂ©tĂ© divisĂ©e en dominants et dominĂ©s, en maĂźtres et sujets, c’est qu’elle a cessĂ© d’exorciser ce qui est destinĂ© Ă  la tuer le pouvoir et le respect du pouvoir. La division majeure de la sociĂ©tĂ©, celle qui fonde toutes les autres, y compris sans doute la division du travail, c’est la nouvelle disposition verticale entre la base et le sommet, c’est la grande coupure politique entre dĂ©tenteurs de la force, qu’elle soit guerriĂšre ou religieuse, et assujettis Ă  cette force. La relation politique de pouvoir prĂ©cĂšde et fonde la relation Ă©conomique d’exploitation. Avant d’ĂȘtre Ă©conomique, l’aliĂ©nation est politique, le pouvoir est avant le travail, l’économique est une dĂ©rive du politique, l’émergence de l’État dĂ©termine l’apparition des classes. InachĂšvement, incomplĂ©tude, manque ce n’est certes point de ce cĂŽtĂ©-lĂ  que se rĂ©vĂšle la nature des sociĂ©tĂ©s primitives. Elle s’impose bien plus comme positivitĂ©, comme maĂźtrise du milieu naturel et maĂźtrise du projet social, comme volontĂ© libre de ne laisser glisser hors de son ĂȘtre rien de ce qui pourrait l’altĂ©rer, le corrompre et le dissoudre. C’est Ă  cela qu’il s’agit de se tenir fermement les sociĂ©tĂ©s primitives ne sont pas les embryons retardataires des sociĂ©tĂ©s ultĂ©rieures, des corps sociaux au dĂ©collage “normal” interrompu par quelque bizarre maladie, elles ne se trouvent pas au point de dĂ©part d’une logique historique conduisant tout droit au terme inscrit d’avance, mais connu seulement a posteriori, notre propre systĂšme social. Si l’histoire est cette logique, comment peut-il exister encore des sociĂ©tĂ©s primitives ? Tout cela se traduit, sur le plan de la vie Ă©conomique, par le refus des sociĂ©tĂ©s primitives de laisser le travail et la production les engloutir, par la dĂ©cision de limiter les stocks aux besoins socio-politiques, par l’impossibilitĂ© intrinsĂšque de la concurrence – Ă  quoi servirait, dans une sociĂ©tĂ© primitive, d’ĂȘtre un riche parmi des pauvres ? – en un mot, par l’interdiction, non formulĂ©e mais dite cependant, de l’inĂ©galitĂ©. [
] Il n’y a Ă©videmment pas de doute que la coupure nĂ©olithique a considĂ©rablement bouleversĂ© les conditions d’existence matĂ©rielle des peuples auparavant palĂ©olithiques. Mais cette transformation fut-elle assez fondamentale pour affecter en sa plus extrĂȘme profondeur l’ĂȘtre des sociĂ©tĂ©s ? Peut-on parler d’un fonctionnement diffĂ©rent des systĂšmes sociaux selon qu’ils sont prĂ©nĂ©olithiques ou postnĂ©olithiques ? L’expĂ©rience ethnographique indique plutĂŽt le contraire. Le passage du nomadisme Ă  la sĂ©dentarisation serait la consĂ©quence la plus riche de la rĂ©volution nĂ©olithique, en ce qu’il a permis, par la concentration d’une population stabilisĂ©e, la formation des citĂ©s et, au-delĂ , des appareils Étatiques. Mais on dĂ©cide, ce faisant, que tout “complexe” technoculturel dĂ©pourvu de l’agriculture est nĂ©cessairement vouĂ© au nomadisme. VoilĂ  qui est ethnographiquement inexact une Ă©conomie de chasse, pĂȘche et collecte n’exige pas obligatoirement un mode de vie nomadique. Plusieurs exemples, tant en AmĂ©rique qu’ailleurs, l’attestent l’absence d’agriculture est compatible avec la sĂ©dentaritĂ©. Ce qui laisserait supposer au passage que si certains peuples n’ont pas acquis l’agriculture, alors qu’elle Ă©tait Ă©cologiquement possible, ce n’est pas par incapacitĂ©, retard technologique, infĂ©rioritĂ© culturelle, mais, plus simplement, parce qu’ils n’en avaient pas besoin. L’histoire post-colombienne de l’AmĂ©rique prĂ©sente le cas de populations d’agriculteurs sĂ©dentaires qui, sous l’effet d’une rĂ©volution technique conquĂȘte du cheval et, accessoirement, des armes Ă  feu ont choisi d’abandonner l’agriculture pour se consacrer Ă  peu prĂšs exclusivement Ă  la chasse, dont le rendement Ă©tait multipliĂ© par la mobilitĂ© dĂ©cuplĂ©e qu’assurait le cheval. DĂšs lors qu’elles devinrent Ă©questres, les tribus des Plaines en AmĂ©rique du Nord ou celles du Chaco en AmĂ©rique du Sud intensifiĂšrent et Ă©tendirent leurs dĂ©placements mais on est lĂ  bien loin du nomadisme sur lequel on rabat gĂ©nĂ©ralement les bandes de chasseurs-collecteurs tels les Guayaki du Paraguay et l’abandon de l’agriculture ne s’est pas traduit, pour les groupes en question, par la dispersion dĂ©mographique ni par la transformation de l’organisation sociale antĂ©rieure. Le Rio Paraguay, environnement des Guayaki Que nous apprennent ce mouvement du plus grand nombre de sociĂ©tĂ©s de la chasse Ă  l’agriculture, et le mouvement inverse, de quelques autres, de l’agriculture Ă  la chasse ? C’est qu’il paraĂźt s’accomplir sans rien changer Ă  la nature de la sociĂ©tĂ©; que celle-ci demeure identique Ă  elle-mĂȘme lorsque se transforment seulement ses conditions d’existence matĂ©rielle ; que la rĂ©volution nĂ©olithique, si elle a considĂ©rablement affectĂ©, et sans doute facilitĂ©, la vie matĂ©rielle des groupes humains d’alors, n’entraĂźne pas mĂ©caniquement un bouleversement de l’ordre social. En d’autres termes, et pour ce qui concerne les sociĂ©tĂ©s primitives, le changement au niveau de ce que le marxisme nomme l’infrastructure Ă©conomique ne dĂ©termine pas du tout son reflet corollaire, la superstructure politique, puisque celle-ci apparaĂźt indĂ©pendante de sa base matĂ©rielle. Le continent amĂ©ricain illustre clairement l’autonomie respective de l’économie et de la sociĂ©tĂ©. Des groupes de chasseurs-pĂȘcheurs-collecteurs, nomades ou non, prĂ©sentent les mĂȘmes propriĂ©tĂ©s socio-politiques que leurs voisins agriculteurs sĂ©dentaires infrastructures » diffĂ©rentes, superstructure » identique. Inversement, les sociĂ©tĂ©s mĂ©so-amĂ©ricaines – sociĂ©tĂ©s impĂ©riales, sociĂ©tĂ©s Ă  État – Ă©taient tributaires d’une agriculture qui, plus intensive qu’ailleurs, n’en demeurait pas moins, du point de vue de son niveau technique, trĂšs semblable Ă  l’agriculture des tribus “sauvages” de la ForĂȘt Tropicale infrastructure » identique, superstructures » diffĂ©rentes, puisqu’en un cas il s’agit de sociĂ©tĂ©s sans État, dans l’autre d’États achevĂ©s. [
] L’État, dit-on, est l’instrument qui permet Ă  la classe dominante d’exercer sa domination violente sur les classes dominĂ©es. Soit. Pour qu’il y ait apparition d’État, il faut donc qu’il y ait auparavant division de la sociĂ©tĂ© en classes sociales antagonistes, liĂ©es entre elles par des relations d’exploitation. Donc la structure de la sociĂ©tĂ© – la division en classes – devrait prĂ©cĂ©der l’émergence de la machine Ă©tatique. Observons au passage la fragilitĂ© de cette conception purement instrumentale de l’État. Si la sociĂ©tĂ© est organisĂ©e par des oppresseurs capables d’exploiter les opprimĂ©s, c’est que cette capacitĂ© d’imposer l’aliĂ©nation repose sur l’usage d’une force, c’est-Ă -dire sur ce qui fait la substance mĂȘme de l’État, monopole de la violence physique lĂ©gitime ». À quelle nĂ©cessitĂ© rĂ©pondrait dĂšs lors l’existence d’un État, puisque son essence – la violence – est immanente Ă  la division de la sociĂ©tĂ©, puisqu’il est, en ce sens, donnĂ© d’avance dans l’oppression qu’exerce un groupe social sur les autres ? Il ne serait que l’inutile organe d’une fonction remplie avant et ailleurs. Articuler l’apparition de la machine Ă©tatique Ă  la transformation de la structure sociale conduit seulement Ă  reculer le problĂšme de cette apparition. Car il faut alors se demander pourquoi se produit, au sein d’une sociĂ©tĂ© primitive, c’est-Ă -dire d’une sociĂ©tĂ© non divisĂ©e, la nouvelle rĂ©partition des hommes en dominants et dominĂ©s. Quel est le moteur de cette transformation majeure qui culminerait dans l’installation de l’État ? Son Ă©mergence sanctionnerait la lĂ©gitimitĂ© d’une propriĂ©tĂ© privĂ©e prĂ©alablement apparue, l’État serait le reprĂ©sentant et le protecteur des propriĂ©taires. Fort bien. Mais pourquoi y aurait-il apparition de la propriĂ©tĂ© privĂ©e en un type de sociĂ©tĂ© qui ignore, perce qu’il la refuse, la propriĂ©tĂ© ? Pourquoi quelques-uns dĂ©sirĂšrent-ils proclamer un jour ceci est Ă  moi », et comment les autres laissĂšrent-ils ainsi s’établir le germe de ce que la sociĂ©tĂ© primitive ignore, l’autoritĂ©, l’oppression, l’État ? Ce que l’on sait maintenant des sociĂ©tĂ©s primitives ne permet plus de rechercher au niveau de l’économique l’origine du politique. Ce n’est pas sur ce sol-lĂ  que s’enracine l’arbre gĂ©nĂ©alogique de l’État. Il n’y a rien, dans le fonctionnement Ă©conomique d’une sociĂ©tĂ© primitive, d’une sociĂ©tĂ© sans État, rien qui permette l’introduction de la diffĂ©rence entre plus riches et plus pauvres, car personne n’y Ă©prouve le dĂ©sir baroque de faire, possĂ©der, paraĂźtre plus que son voisin. La capacitĂ©, Ă©gale chez tous, de satisfaire les besoins matĂ©riels, et l’échange des biens et services, qui empĂȘche constamment l’accumulation privĂ©e des biens, rendent tout simplement impossible l’éclosion d’un tel dĂ©sir, dĂ©sir de possession qui est en fait dĂ©sir de pouvoir. La sociĂ©tĂ© primitive, premiĂšre sociĂ©tĂ© d’abondance, ne laisse aucune place au dĂ©sir de surabondance. [
] S’il paraĂźt encore impossible de dĂ©terminer les conditions d’apparition de l’État, on peut en revanche prĂ©ciser les conditions de sa non-apparition, et les textes qui ont Ă©tĂ© ici rassemblĂ©s tentent de cerner l’espace du politique dans les sociĂ©tĂ©s sans État. Sans foi, sans loi, sans roi ce qu’au XVIe siĂšcle l’Occident disait des Indiens peut s’étendre sans difficultĂ© Ă  toute sociĂ©tĂ© primitive. Ce peut ĂȘtre mĂȘme le critĂšre de distinction une sociĂ©tĂ© est primitive si lui fait dĂ©faut le roi, comme source lĂ©gitime de la loi, c’est-Ă -dire la machine Ă©tatique. Inversement, toute sociĂ©tĂ© non primitive est une sociĂ©tĂ© Ă  État peu importe le rĂ©gime socio-Ă©conomique en vigueur. C’est pour cela que l’on peut regrouper en une seule classe les grands despotismes archaĂŻques – rois, empereurs de Chine ou des Andes, pharaons –, les monarchies plus rĂ©centes – l’État c’est moi – ou les systĂšmes sociaux contemporains, que le capitalisme y soit libĂ©ral comme en Europe occidentale, ou d’État comme ailleurs
 Il n’y a donc pas de roi dans la tribu, mais un chef qui n’est pas un chef d’État. Qu’est-ce que cela signifie ? Simplement que le chef ne dispose d’aucune autoritĂ©, d’aucun pouvoir de coercition, d’aucun moyen de donner un ordre. Le chef n’est pas un commandant, les gens de la tribu n’ont aucun devoir d’obĂ©issance. L’espace de la chefferie n’est pas le lieu du pouvoir, et la figure bien mal nommĂ©e du “chef” sauvage ne prĂ©figure en rien celle d’un futur despote. Ce n’est certainement pas de la chefferie primitive que peut se dĂ©duire l’appareil Ă©tatique en gĂ©nĂ©ral. Iconographie issue de la Chronique des Indiens guayaki, de Pierre Clastres En quoi le chef de la tribu ne prĂ©figure-t-il pas le chef d’État ? En quoi une telle anticipation de l’État est-elle impossible dans le monde des Sauvages ? Cette discontinuitĂ© radicale – qui rend impensable un passage progressif de la chefferie primitive Ă  la machine Ă©tatique – se fonde naturellement sur cette relation d’exclusion qui place le pouvoir politique Ă  l’extĂ©rieur de la chefferie. Ce qu’il s’agit de penser, c’est un chef sans pouvoir, une institution, la chefferie, Ă©trangĂšre Ă  son essence, l’autoritĂ©. Les fonctions du chef, telles qu’elles ont Ă©tĂ© analysĂ©es ci-dessus, montrent bien qu’il ne s’agit pas de fonctions d’autoritĂ©. Essentiellement chargĂ© de rĂ©sorber les conflits qui peuvent surgir entre individus, familles, lignages, etc., il ne dispose, pour rĂ©tablir l’ordre et la concorde, que du seul prestige que lui reconnaĂźt la sociĂ©tĂ©. Mais prestige ne signifie pas pouvoir, bien entendu, et les moyens que dĂ©tient le chef pour accomplir sa tĂąche de pacificateur se limitent Ă  l’usage exclusif de la parole non pas mĂȘme pour arbitrer entre les parties opposĂ©es, car le chef n’est pas un juge, il ne peut se permettre de prendre parti pour l’un ou l’autre ; mais pour, armĂ© de sa seule Ă©loquence, tenter de persuader les gens qu’il faut s’apaiser, renoncer aux injures, imiter les ancĂȘtres qui ont toujours vĂ©cu dans la bonne entente. Entreprise jamais assurĂ©e de la rĂ©ussite, pari chaque fois incertain, car la parole du chef n’a pas force de loi. Que l’effort de persuasion Ă©choue, alors le conflit risquĂ© de se rĂ©soudre dans la violence et le prestige du chef peut fort bien n’y point survivre, puisqu’il a fait la preuve de son impuissance Ă  rĂ©aliser ce que l’on attend de lui. À quoi la tribu estime-t-elle que tel homme est digne d’ĂȘtre un chef ? En fin de compte, Ă  sa seule compĂ©tence “technique” dons oratoires, savoir-faire comme chasseur, capacitĂ© de coordonner les activitĂ©s guerriĂšres, offensives ou dĂ©fensives. Et, en aucune maniĂšre, la sociĂ©tĂ© ne laisse le chef passer au-delĂ  de cette limite technique, elle ne laisse jamais une supĂ©rioritĂ© technique se transformer en autoritĂ© politique. Le chef est au service de la sociĂ©tĂ©, c’est la sociĂ©tĂ© en elle- mĂȘme – lieu vĂ©ritable du pouvoir – qui exerce comme telle son autoritĂ© sur le chef. C’est pourquoi il est impossible pour le chef de renverser ce rapport Ă  son profit, de mettre la sociĂ©tĂ© Ă  son propre service, d’exercer sur la tribu ce que l’on nomme le pouvoir jamais la sociĂ©tĂ© primitive ne tolĂšrera que son chef se transforme en despote. Haute surveillance en quelque sorte, Ă  quoi la tribu soumet le chef, prisonnier en un espace d’oĂč elle ne le laisse pas sortir. Mais a-t-il envie d’en sortir ? Arrive-t-il qu’un chef dĂ©sire ĂȘtre chef ? Qu’il veuille substituer au service et Ă  l’intĂ©rĂȘt du groupe la rĂ©alisation de son propre dĂ©sir ? Que la satisfaction de son intĂ©rĂȘt personnel prenne le pas sur la soumission au projet collectif ? En vertu mĂȘme de l’étroit contrĂŽle auquel la sociĂ©tĂ© – par sa nature de sociĂ©tĂ© primitive et non, bien sĂ»r, par souci conscient et dĂ©libĂ©rĂ© de surveillance – soumet, comme tout le reste, la pratique du leader, rares sont les cas de chefs placĂ©s en situation de transgresser la loi primitive tu n’es pas plus que les autres. Rares certes, mais non inexistants il se produit parfois qu’un chef veuille faire le chef, et non point par calcul machiavĂ©lique mais bien plutĂŽt parce qu’en dĂ©finitive il n’a pas le choix, il ne peut pas faire autrement. Expliquons-nous. En rĂšgle gĂ©nĂ©rale, un chef ne tente pas il n’y songe mĂȘme pas de subvertir la relation normale conforme aux normes qu’il entretient avec son groupe, subversion qui, de serviteur de la tribu, ferait de lui le maĂźtre. Cette relation normale, le grand cacique Alaykin, chef de guerre d’une tribu abipone du Chaco argentin, l’a dĂ©finie parfaitement dans la rĂ©ponse qu’il fit Ă  un officier espagnol qui voulait le convaincre d’entraĂźner sa tribu en une guerre qu’elle ne dĂ©sirait pas Les Abipones, par une coutume reçue de leurs ancĂȘtres, font tout Ă  leur grĂ© et non Ă  celui de leur cacique. Moi, je les dirige, mais je ne pourrais porter prĂ©judice Ă  aucun des miens sans me porter prĂ©judice Ă  moi-mĂȘme ; si j’utilisais les ordres ou la force avec mes compagnons, aussitĂŽt ils me tourneraient le dos. Je prĂ©fĂšre ĂȘtre aimĂ© et non craint d’eux. » Et, n’en doutons pas, la plupart des chefs indiens auraient tenu le mĂȘme discours. Il y a cependant des exceptions, presque toujours liĂ©es Ă  la guerre. On sait en effet que la prĂ©paration et la conduite d’une expĂ©dition militaire sont les seules circonstances oĂč le chef trouve Ă  exercer un minimum d’autoritĂ©, fondĂ©e seulement, rĂ©pĂ©tons-le, sur sa compĂ©tence technique de guerrier. Une fois les choses terminĂ©es, et quelle que soit l’issue du combat, le chef de guerre redevient un chef sans pouvoir, en aucun cas le prestige consĂ©cutif Ă  la victoire ne se transforme en autoritĂ©. Tout se joue prĂ©cisĂ©ment sur cette sĂ©paration maintenue par la sociĂ©tĂ© entre pouvoir et prestige, entre la gloire d’un guerrier vainqueur et le commandement qu’il lui est interdit d’exercer. La source la plus apte Ă  Ă©tancher la soif de prestige d’un guerrier, c’est la guerre. En mĂȘme temps, un chef dont le prestige est liĂ© Ă  la guerre ne peut le conserver et le renforcer que dans la guerre c’est une sorte de fuite obligĂ©e en avant qui le fait vouloir organiser sans cesse des expĂ©ditions guerriĂšres dont il escompte retirer les bĂ©nĂ©fices symboliques affĂ©rents Ă  la victoire. Tant que son dĂ©sir de guerre correspond Ă  la volontĂ© gĂ©nĂ©rale de la tribu, en particulier des jeunes gens pour qui la guerre est aussi le principal moyen d’acquĂ©rir du prestige, tant que la volontĂ© du chef ne dĂ©passe pas celle de la sociĂ©tĂ©, les relations habituelles entre la seconde et le premier se maintiennent inchangĂ©es. Mais le risque d’un dĂ©passement du dĂ©sir de la sociĂ©tĂ© par celui de son chef, le risque pour lui d’aller au-delĂ  de ce qu’il doit, de sortir de la stricte limite assignĂ©e Ă  sa fonction, ce risque est permanent. Le chef, parfois, accepte de le courir, il tente d’imposer Ă  la tribu son projet individuel, il tente de substituer son intĂ©rĂȘt personnel Ă  l’intĂ©rĂȘt collectif. Renversant le rapport normal qui dĂ©termine le leader comme moyen au service d’une fin socialement dĂ©finie, il tente de faire de la sociĂ©tĂ© le moyen de rĂ©aliser une fin purement privĂ©e la tribu au service du chef, et non plus le chef au service de la tribu. Si “ça marchait” alors on aurait lĂ  le lieu natal du pouvoir politique, comme contrainte et violence, on aurait la premiĂšre incarnation, la figure minimale de l’État. Mais ça ne marche jamais. Dans le trĂšs beau rĂ©cit des vingt annĂ©es qu’elle passa chez les Yanomami, Elena Valero parle longuement de son premier mari, le leader guerrier Fousiwe. Son histoire illustre parfaitement le destin de la chefferie sauvage lorsqu’elle est, par la force des choses, amenĂ©e Ă  transgresser la loi de la sociĂ©tĂ© primitive qui, vrai lieu du pouvoir, refuse de s’en dessaisir, refuse de le dĂ©lĂ©guer. Fousiwe est donc reconnu comme “chef” par sa tribu Ă  cause du prestige qu’il s’est acquis comme organisateur et conducteur de raids victorieux contre les groupes ennemis. Il dirige par consĂ©quent des guerres voulues par sa tribu, il met au service de son groupe sa compĂ©tence technique d’homme de guerre, son courage, son dynamisme, il est l’instrument efficace de sa sociĂ©tĂ©. Mais le malheur du guerrier sauvage veut que le prestige acquis dans la guerre se perde vite, si ne s’en renouvellent pas constamment les sources. La tribu, pour qui le chef n’est que l’instrument apte Ă  rĂ©aliser sa volontĂ©, oublie facilement les victoires passĂ©es du chef. Pour lui, rien n’est acquis dĂ©finitivement et, s’il veut rendre aux gens la mĂ©moire si aisĂ©ment perdue de son prestige et de sa gloire, ce n’est pas seulement en exaltant ses exploits anciens qu’il y parviendra, mais bien en suscitant l’occasion de nouveaux faits d’armes. Un guerrier n’a pas le choix il est condamnĂ© Ă  dĂ©sirer la guerre. C’est exactement lĂ  que passe la limite du consensus qui le reconnaĂźt comme chef. Si son dĂ©sir de guerre coĂŻncide avec le dĂ©sir de guerre de la sociĂ©tĂ©, celle-ci continue Ă  la suivre. Mais si le dĂ©sir de guerre du chef tente de se rabattre sur une sociĂ©tĂ© animĂ©e par le dĂ©sir de paix – aucune sociĂ©tĂ©, en effet, ne dĂ©sire toujours faire la guerre –, alors le rapport entre le chef et la tribu se renverse, le leader tente d’utiliser la sociĂ©tĂ© comme instrument de son but individuel, comme moyen de sa fin personnelle. Or, ne l’oublions pas, le chef primitif est un chef sans pouvoir comment pourrait-il imposer la loi de son dĂ©sir Ă  une sociĂ©tĂ© qui le refuse ? Il est Ă  la fois prisonnier de son dĂ©sir de prestige et de son impuissance Ă  le rĂ©aliser. Que peut-il alors se passer ? Le guerrier est vouĂ© Ă  la solitude, Ă  ce combat douteux qui ne le conduit qu’à la mort. Ce fut lĂ  le destin du guerrier sud-amĂ©ricain Fousiwe. Pour avoir voulu imposer aux siens une guerre qu’ils ne dĂ©siraient pas, il se vit abandonnĂ© par sa tribu. Il ne lui restait plus qu’à mener seul cette guerre, et il mourut criblĂ© de flĂšches. La mort est le destin du guerrier, car la sociĂ©tĂ© primitive est telle qu’elle ne laisse pas substituer au dĂ©sir de prestige la volontĂ© de pouvoir. Ou, en d’autres termes, dans la sociĂ©tĂ© primitive, le chef, comme possibilitĂ© de volontĂ© de pouvoir, est d’avance condamnĂ© Ă  mort. Le pouvoir politique sĂ©parĂ© est impossible dans la sociĂ©tĂ© primitive, il n’y a pas de place, pas de vide que pourrait combler l’État. Moins tragique en sa conclusion, mais trĂšs semblable en son dĂ©veloppement est l’histoire d’un autre leader indien, infiniment plus cĂ©lĂšbre que l’obscur guerrier amazonien, puisqu’il s’agit du fameux chef apache Geronimo. La lecture de ses MĂ©moires, bien qu’assez futilement recueillis, se rĂ©vĂšle fort instructive. Geronimo n’était qu’un jeune guerrier comme les autres lorsque les soldats mexicains attaquĂšrent le camp de sa tribu et firent un massacre de femmes et d’enfants. La famille de Geronimo fut entiĂšrement exterminĂ©e. Les diverses tribus apaches firent alliance pour se venger des assassins et Geronimo fut chargĂ© de conduire le combat. SuccĂšs complet pour les Apaches, qui anĂ©antirent la garnison mexicaine. Le prestige guerrier de Geronimo, principal artisan de la victoire, fut immense. Et, dĂšs ce moment-lĂ , les choses changent, quelque chose se passe en Geronimo, quelque chose passe. Car si, pour les Apaches, satisfaits d’une victoire qui rĂ©alise parfaitement leur dĂ©sir de vengeance, l’affaire est en quelque sorte classĂ©e, Geronimo, quant a lui, ne l’entend pas de cette oreille il veut continuer Ă  se venger des Mexicains, il estime insuffisante la dĂ©faite sanglante imposĂ©e aux soldats. Mais il ne peut, bien sĂ»r, aller seul Ă  l’attaque des villages mexicains. Il tente donc de convaincre les siens de repartir en expĂ©dition. En vain. La sociĂ©tĂ© apache, une fois atteint le but collectif – la vengeance – aspire au repos. Le but de Geronimo est donc un objectif individuel pour la rĂ©alisation duquel il veut entraĂźner la tribu. Il veut faire de la tribu l’instrument de son dĂ©sir, alors qu’il fut auparavant, en raison de sa compĂ©tence de guerrier, l’instrument de la tribu. Bien entendu, les Apaches n’ont Jamais voulu suivre Geronimo, tout comme les Yanomami refusĂšrent de suivre Fousiwe. Tout au plus le chef apache rĂ©ussissait-il parfois, au prix de mensonges Ă  convaincre quelques jeunes gens avides de gloire et de butin. Pour l’une de ces expĂ©ditions, l’armĂ©e de Geronimo, hĂ©roĂŻque et dĂ©risoire, se composait de deux hommes ! Les Apaches qui, en fonction des circonstances, acceptaient le leadership de Geronimo pour son habiletĂ© de combattant, lui tournaient systĂ©matiquement le dos lorsqu’il voulait mener sa guerre personnelle. Geronimo, dernier grand chef de guerre nord-amĂ©ricain, qui passa trente annĂ©es de sa vie Ă  vouloir “faire le chef”, et n’y parvint pas
 Lucien Sebag et deux AchĂ©, Arroyo MorotĂ­ la “rĂ©serve” guayaki, 1963© Laboratoire d’anthropologie sociale, fonds Sebag La propriĂ©tĂ© essentielle c’est-Ă -dire qui touche Ă  l’essence de la sociĂ©tĂ© primitive, c’est d’exercer un pouvoir absolu et complet sur tout ce qui la compose, c’est d’interdire l’autonomie de l’un quelconque des sous-ensembles qui la constituent, c’est de maintenir tous les mouvements, internes, conscients et inconscients, qui nourrissent la vie sociale, dans les limites et dans la direction voulues par la sociĂ©tĂ©. La tribu manifeste entre autres et par la violence s’il le faut sa volontĂ© de prĂ©server cet ordre social primitif en interdisant l’émergence d’un pouvoir politique individuel, central et sĂ©parĂ©. SociĂ©tĂ© donc Ă  qui rien n’échappe, qui ne laisse rien sortir hors de soi-mĂȘme, car toutes les issues sont fermĂ©es. SociĂ©tĂ© qui, par consĂ©quent, devrait Ă©ternellement se reproduire sans que rien de substantiel ne l’affecte Ă  travers le temps. Il est nĂ©anmoins un champ qui, semble-t-il, Ă©chappe, en partie au moins, au contrĂŽle de la sociĂ©tĂ©, il est un “flux” auquel elle paraĂźt ne pouvoir imposer qu’un “codage” imparfait il s’agit du domaine dĂ©mographique, domaine rĂ©gi par des rĂšgles culturelles, mais aussi par des lois naturelles, espace de dĂ©ploiement d’une vie enracinĂ©e Ă  la fois dans le social et dans le biologique, lieu d’une “machine” qui fonctionne peut-ĂȘtre selon une mĂ©canique propre et qui serait, par suite, hors d’atteinte de l’emprise sociale. Sans songer Ă  substituer Ă  un dĂ©terminisme Ă©conomique un dĂ©terminisme dĂ©mographique, Ă  inscrire dans les causes – la croissance dĂ©mographique – la nĂ©cessitĂ© des effets – transformation de l’organisation sociale –, force est pourtant de constater, surtout en AmĂ©rique, le poids sociologique du nombre de la population, la capacitĂ© que possĂšde l’augmentation des densitĂ©s d’ébranler – nous ne disons pas dĂ©truire – la sociĂ©tĂ© primitive. Il est trĂšs probable en effet qu’une condition fondamentale d’existence de la sociĂ©tĂ© primitive consiste dans la faiblesse relative de sa taille dĂ©mographique. Les choses ne peuvent fonctionner selon le modĂšle primitif que si les gens sont peu nombreux. Ou, en d’autres termes, pour qu’une sociĂ©tĂ© soit primitive, il faut qu’elle soit petite par le nombre. Et, de fait, ce que l’on constate dans le monde des Sauvages, c’est un extraordinaire morcellement des “nations”, tribus, sociĂ©tĂ©s en groupes locaux qui veillent soigneusement Ă  conserver leur autonomie au sein de l’ensemble dont ils font partie, quitte Ă  conclure des alliances provisoires avec les voisins “compatriotes”, si les circonstances – guerriĂšres en particulier – l’exigent. Cette atomisation de l’univers tribal est certainement un moyen efficace d’empĂȘcher la constitution d’ensembles socio-politiques intĂ©grant les groupes locaux et, au-delĂ , un moyen d’interdire l’émergence de l’État qui, en son essence, est unificateur. Or, il est troublant de constater que les Tupi-Guarani paraissent, Ă  l’époque oĂč l’Europe les dĂ©couvre, s’écarter sensiblement du modĂšle primitif habituel, et sur deux points essentiels le taux de densitĂ© dĂ©mographique de leurs tribus ou groupes locaux dĂ©passe nettement celui des populations voisines ; d’autre part, la taille des groupes locaux est sans commune mesure avec celle des unitĂ©s socio-politiques de la ForĂȘt Tropicale. Bien entendu, les villages tupinamba par exemple, qui rassemblaient plusieurs milliers d’habitants, n’étaient pas des villes ; mais ils cessaient Ă©galement d’appartenir Ă  l’horizon “classique” de la dimension dĂ©mographique des sociĂ©tĂ©s voisines. Sur ce fond d’expansion dĂ©mographique et de concentration de la population se dĂ©tache – fait Ă©galement inhabituel dans l’AmĂ©rique des Sauvages, sinon dans celle des Empires – l’évidente tendance des chefferies Ă  acquĂ©rir un pouvoir inconnu ailleurs. Les chefs tupi-guarani n’étaient certes pas des despotes, mais ils n’étaient plus tout Ă  fait des chefs sans pouvoir. Ce n’est pas ici le lieu d’entreprendre la longue et complexe tĂąche d’analyser la chefferie chez les Tupi-Guarani. Qu’il nous suffise simplement de dĂ©celer, Ă  un bout de la sociĂ©tĂ©, si l’on peut dire, la croissance dĂ©mographique, et Ă  l’autre, la lente Ă©mergence du pouvoir politique. Il n’appartient sans doute pas Ă  l’ethnologie ou du moins pas Ă  elle seule de rĂ©pondre Ă  la question des causes de l’expansion dĂ©mographique dans une sociĂ©tĂ© primitive. RelĂšve en revanche de cette discipline l’articulation du dĂ©mographique et du politique, l’analyse de la force qu’exerce le premier sur le second par l’intermĂ©diaire du sociologique. [
] Chefferie et langage sont, dans la sociĂ©tĂ© primitive, intrinsĂšquement liĂ©s, la parole est le seul pouvoir dĂ©volu au chef plus que cela mĂȘme, la parole est pour lui un devoir. Mais il est une autre parole, un autre discours, articulĂ© non par les chefs, mais par ces hommes qui aux XVe et XVIe siĂšcles entraĂźnaient derriĂšre eux les Indiens par milliers en de folles migrations en quĂȘte de la patrie des dieux c’est le discours des karai, c’est la parole prophĂ©tique, parole virulente, Ă©minemment subversive d’appeler les Indiens Ă  entreprendre ce qu’il faut bien reconnaĂźtre comme la destruction de la sociĂ©tĂ©. L’appel des prophĂštes Ă  abandonner la terre mauvaise, c’est-Ă -dire la sociĂ©tĂ© telle qu’elle Ă©tait, pour accĂ©der Ă  la Terre sans Mal, Ă  la sociĂ©tĂ© du bonheur divin, impliquait la condamnation Ă  mort de la structure de la sociĂ©tĂ© et de son systĂšme de normes. Or, Ă  cette sociĂ©tĂ© s’imposaient de plus en plus fortement la marque de l’autoritĂ© des chefs, le poids de leur pouvoir politique naissant. Peut-ĂȘtre alors est-on fondĂ© Ă  dire que si les prophĂštes, surgis du cƓur de la sociĂ©tĂ©, proclamaient mauvais le monde oĂč vivaient les hommes, c’est parce qu’ils dĂ©celaient le malheur, le mal, dans cette mort lente Ă  quoi l’émergence du pouvoir condamnait, Ă  plus ou moins long terme, la sociĂ©tĂ© tupi-guarani, comme sociĂ©tĂ© primitive, comme sociĂ©tĂ© sans État. HabitĂ©s par le sentiment que l’antique monde sauvage tremblait en son fondement, hantĂ©s par le pressentiment d’une catastrophe socio-cosmique, les prophĂštes dĂ©cidĂšrent qu’il fallait changer le monde, qu’il fallait changer de monde, abandonner celui des hommes et gagner celui des dieux. Parole prophĂ©tique encore vivante, ainsi qu’en tĂ©moignent les textes ProphĂštes dans la jungle » et De l’un sans le multiple ». Les trois ou quatre mille Indiens Guarani qui subsistent misĂ©rablement dans les forĂȘts du Paraguay jouissent encore de la richesse incomparable que leur offrent les karai. Ceux-ci ne sont plus, on s’en doute, des conducteurs de tribus, comme leurs ancĂȘtres du XVIe siĂšcle, il n’y a plus de recherche possible de la Terre sans Mal. Mais le dĂ©faut d’action semble avoir permis une ivresse de la pensĂ©e, un approfondissement toujours plus tendu de la rĂ©flexion sur le malheur de la condition humaine. Et cette pensĂ©e sauvage, presque aveuglante de trop de lumiĂšre, nous dit que le lieu de naissance du Mal, de la source du malheur, c’est l’Un. Il faut peut-ĂȘtre en dire un peu plus long et se demander ce que le sage guarani dĂ©signe sous le nom de l’Un. Les thĂšmes favoris de la pensĂ©e guarani contemporaine sont les mĂȘmes qui inquiĂ©taient, voici plus de quatre siĂšcles, ceux que dĂ©jĂ  on appelait karai, prophĂštes. Pourquoi le monde est-il mauvais ? Que pouvons-nous faire pour Ă©chapper au mal ? Questions qu’au fil des gĂ©nĂ©rations ces Indiens ne cessent de se poser les karai de maintenant s’obstinent pathĂ©tiquement Ă  rĂ©pĂ©ter le discours des prophĂštes d’antan. Ceux-ci savaient donc que l’Un, c’est le mal, ils le disaient, de village en village, et les gens les suivaient dans la recherche du Bien, dans la quĂȘte du non-Un. On a donc, chez les Tupi-Guarani du temps de la DĂ©couverte, d’un cĂŽtĂ© une pratique – la migration religieuse – inexplicable si on n’y lit pas le refus de la voie oĂč la chefferie engageait la sociĂ©tĂ©, le refus du pouvoir politique sĂ©parĂ©, le refus de l’État ; de l’autre, un discours prophĂ©tique qui identifie l’Un comme la racine du Mal et affirme la possibilitĂ© de lui Ă©chapper. À quelles conditions penser l’Un est-il possible ? Il faut que, de quelque façon, sa prĂ©sence, haĂŻe ou dĂ©sirĂ©e, soit visible. Et c’est pourquoi nous croyons pouvoir dĂ©celer, sous l’équation mĂ©taphysique qui Ă©gale le Mal Ă  l’Un, une autre Ă©quation plus secrĂšte et d’ordre politique, qui dit que l’Un, c’est l’État. Le prophĂ©tisme tupi-guarani, c’est la tentative hĂ©roĂŻque d’une sociĂ©tĂ© primitive pour abolir le malheur dans le refus radical de l’Un comme essence universelle de l’État. [
] [J]usque dans l’expĂ©rience extrĂȘme du prophĂ©tisme parce que sans doute la sociĂ©tĂ© tupi-guarani avait atteint, pour des raisons dĂ©mographiques ou autres, les limites extrĂȘmes qui dĂ©terminent une sociĂ©tĂ© comme sociĂ©tĂ© primitive, ce que nous montrent les Sauvages, c’est l’effort permanent pour empĂȘcher les chefs d’ĂȘtre des chefs, c’est le refus de l’unification, c’est le travail de conjuration de l’Un, de l’État. L’histoire des peuples qui ont une histoire est, dit-on, l’histoire de la lutte des classes. L’histoire des peuples sans histoire, c’est, dira-t-on avec autant de vĂ©ritĂ© au moins, l’histoire de leur lutte contre l’État. Nos Desserts Sur le Comptoir, nous vous proposions de comprendre avec Pierre Clastres qu’autoritĂ© et État ne font qu’un Un article de Marcelo Campagno sur le Journal du MAUSS, consacrĂ© Ă  Pierre Clastres et le problĂšme de l’émergence de l’État Sur le blog de KĂ©vin “L’Impertinent” Victoire, vous pourrez retrouver un extrait du Discours de la servitude volontaire de La BoĂ©tie, fondamental pour essayer de comprendre l’acceptation collective du pouvoir coercitif Pour combattre cette domination qui tue notre humanitĂ©, nous vous proposions de pratiquer l’insurrection quotidienne Pour les Normands et les voyageurs, un colloque intitulĂ© Pierre Clastres d’une ethnologie de terrain Ă  une anthropologie du pouvoir » se tiendra Ă  Caen les 25, 26 et 27 octobre 2017 1ATql.
  • 3rceq0h4n8.pages.dev/83
  • 3rceq0h4n8.pages.dev/157
  • 3rceq0h4n8.pages.dev/264
  • 3rceq0h4n8.pages.dev/498
  • 3rceq0h4n8.pages.dev/86
  • 3rceq0h4n8.pages.dev/46
  • 3rceq0h4n8.pages.dev/251
  • 3rceq0h4n8.pages.dev/331
  • l etat est il un mal nĂ©cessaire